COUP DE TORCHON
4 NOVEMBRE 1981
SYNOPSIS
L'autorité ne caractérise pas Lucien Cordier, l'unique policier de Bourkassa, petit village du Sénégal, colonie française en 1938. Dominé par sa femme Huguette, raillé par Nono, le frère chouchou de celle-ci, ridiculisé par les deux souteneurs Le Péron et Leonelli, Cordier tâche de contrarier le moins de monde possible, trouvant auprès de Rose, sa maîtresse, son seul réconfort. Les policiers de la ville voisine, Chavasson et Paulo, lui montrent, coups de pied aux fesses à l'appui, comment mater son monde. Et, à son retour, Cordier tue Le Péron et Léonelli. Il rassure Chavasson, affolé à l'idée qu'il ait pu les éliminer, et utilise sa vantardise pour le faire passer pour responsable. Puis Cordier supprime Mercaillou, le mari de Rose, qui la bat. Pas troublée le moins du monde, Rose vient s'installer chez Huguette. Comme Nono a surpris Cordier en train d'embrasser Rose et les a dénoncés à sa soeur, il reçoit une belle rossée de son beau-frère. Celui-ci a trouvé dans la personne de l'institutrice, Anne, une confidente à qui il avoue tous ses forfaits en se faisant passer pour un nouveau Jésus-Christ. Sa victime suivante est Vendredi, un Noir qui lui a rapporté le corps de Mercaillou, devenant ainsi un témoin gênant. Lorsqu'arrive le sosie de Le Péron, venu enquêter sur la mort de son frère, Cordier réussit à se tirer d'affaire tout en lui disant la vérité. A la recherche de Cordier, Huguette et Nono surviennent chez Rose qui les tue avec le revolver que lui a donné Cordier. De loin, celui-ci l'entend. En la convaincant qu'elle doit partir, il se débarrasse de Rose.
ANALYSE ET BOX OFFICE
Coup de torchon est une transposition dans l’univers coloniale du polar 1275 âmes de Jim Thompson paru en 1964. Deux ans auparavant, en 1979 son roman Des cliques et des cloaques (a Hell of a Woman), avait inspiré le film Série Noire d’Alain Corneau, transposition de son univers à celui, cette fois, des banlieues parisiennes. Ce qui frappe dans cette adaptation c'est la qualité de l'équipe technique et artistique dont s'est entouré Bertrand Tavernier : Jean Aurenche au scénario, Pierre-William Glenn à l'époque le meilleur Directeur photo, Alexandre Trauner pour les décors et Philippe Sarde comme compositeur de la musique en ce qui concerne l'équipe technique. Au niveau artistique c'est du très lourd. Pour la 4ème fois Tavernier retrouve Philippe Noiret mais aussi d'autres poids lourds du cinéma français : Jean-Pierre Marielle, Isabelle Huppert, Stéphane Audran, excusez du peu, et quelques seconds rôles sympathiques comme Guy Marchand, Gérard Hernandez et Eddy Mitchell cinéphile convaincu et accessoirement chanteur qui s'encanaille dans le milieu du cinéma. Il est évident que le film a été conçu pour fonctionner au box office parmi les cadors du box office de l'époque. De fait le film est rapidement accessible, clair et bien lisible pour l'ensemble du spectateur malgré un scénario qui pouvait laisser supposer un film plus alambiqué. Philippe Noiret trouve là une de ses meilleures interprétations dans le rôle d'un plouc qui passe pour le con de service aux yeux de tous que ce soit de la part de son supérieur ou de sa femme qui le trompe allègrement au sein de son propre foyer. Dans le fond c'est un gars débonnaire qui s'en fout de tout. Son supérieur lui conseille de se reprendre en main et on ne sait par quelle humiliation de trop, le personnage de Lucien Cordier devient une sorte de justicier dans la ville, un ange de la mort dont on ne sait si cette transformation est liée au soleil qui lui aurait trop tapé sur la tête où à une machination bien voulue, bien préméditée, bien consciente. Cordier va même manipuler sa maîtresse pour arriver à ses fins. Rose est jouée par Isabelle Huppert qui crève l'écran dans le rôle de cette petite gouape, un peu naïve au langage de charretier et qui déclare jouir d'un ton atone et d'un oeil torve. Du cousu main pour l'actrice qui joue la provocation dans des poses largement suggestives. Les joutes entre les deux acteurs sont savoureuses. Jean-Pierre Marielle est lui aussi de la partie et tavernier lui réserve quelques beaux dialogues avec Noiret a l'occasion d'interpréter un double rôle aux facettes bien différentes. Les seconds rôles ne sont pas en reste: Stéphane Audran bien sûr, Guy Marchand qui commence à se faire remarquer dans des seconds voire troisièmes rôles. Et puis il y a Eddy Mitchell que la critique remarque qui, sans être transcendant aura été un joyeux compagnon de boisson de Jean-Pierre Marielle durant le tournage. Nous quittons le film sur un Cordier pas loin de la folie dans le dernier plan, alors que Tavernier avait prévu une fin alternative avec deux singes dansants au cours d'une fête. Le film bénéficie d'un ton étrange, parfois mystique dû au décors africain et à la musique de Philippe Sarde. "Coup de torchon" reste un film envoûtant, bizarre, porté par deux acteurs Noiret et Huppert au dessus du lot.
Le film sort sur Paris dans une période très favorable mais très embouteillée de blockbusters français. Deux semaines avant sa sortie "Le professionnel" avec Jean-Paul Belmondo a triomphé suivi la semaine suivante par "Le Maître d'école" avec Coluche. Le film a pourtant un fort potentiel et la campagne de publicité a bénéficié de beaucoup de moyens, les affiches sont très nombreuses sur Paris. Les critiques sont bonnes et le public ne s'y trompe pas car le film prend la tête du box office avec un très confortable score de 167 000 entrées sur une belle combinaison de 33 salles. C'est le plus beau succès de Bertrand Tavernier. Il condamne donc "Le maître d'école" a ne pas être numéro un au box office parisien. Mais le succès ne s'arrête pas là et le film conserve la tête du box office parisien les deux semaines suivantes. Le film figure dans le top 5 hebdomadaire durant 6 semaines. Le film ne se contente pas de marcher qu'en région parisienne puisqu'il attire 2.2 millions de spectateurs et devient donc le top 16 de l'année 1981. C'est une très belle performance dans une année très fournie en succès français. Avec "Coup de torchon" Bertrand Tavernier tient son plus grand succès commercial et est entré, peut être un peu à son corps défendant dans la cour des réalisateurs français "bankables". Mais il va une nouvelle fois changer de thèmes et il ne retrouvera jamais un succès de l'ampleur de "Coup de torchon" qui reste à mon sens son film le plus populaire.
CATEGORIE | RANG | ENTREES | SALLES |
ENTREES FRANCE | 16 | 2 201 875 |
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ENTREES PARIS BANLIEUE | 710 108 |
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1ère semaine | 1 | 167 077 | 33 |
2ème semaine | 1 | 136 524 | 35 |
3ème semaine | 1 | 88 974 | 38 |
4ème semaine | 2 | 72 809 | 38 |
5ème semaine | 5 | 42 455 | 21 |
6ème semaine | 5 | 33 273 | 20 |
Cote du succès | * * * |