L'INCORRIGIBLE
20 OCTOBRE 1975
A sa sortie de prison, après trois mois purgés pour escroquerie, Victor Vauthier retrouve Raoul, un viel ami à qui il propose immédiatement une "affaire" qui réussit pleinement. Plein d'imagination et de faconde, débordant de vitalité et de toupet, doué pour les transformations et les imitations, Victor a eu tout loisir, en cellule, de préparer sa "rentrée". Grâce à cet apport d'argent frais, Victor retrouve élégance, prestige et... Camille, "l'Ermite de Chatou", qui s'est retiré de toute activité pour ne plus songer qu'au jour lointain où il vivait heureux, avec sa femme, au pied du Mont-Saint-Michel! Dans la roulotte confortable de son "père spirituel", "l'incorrigible" reçoit la visite de Marie-Charlotte Pontalec, une assistante sociale judiciaire chargée de la réinsertion des ex-détenus dans la société. Victor qui ne veut pas sacrifier une minute emmène la jeune fille dans ses périgrinations. Il se rend à ses rendez-vous, vend des armements à des Africains, préconise une médication à un malade et conseille un plaignant, tout en répondant aux questions de Marie-Charlotte qui s'essouffle derrière lui. Avec Raoul et Camille, Victor dérobe un tryptique du Gréco dans le musée dont le père de Marie-Charlotte est le conservateur. Une rançon est exigée, payée par le gouvernement et touchée par les bandits, mais Marie-Charlotte s'en empare et se révèle aussi dure en affaires que les professionnels. Dégoûtés, Camille et Victor partent au Mont Saint-Michel désargentés, certes, mais libres.
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Au milieu des années 70, le cinéma français tourne rond. Après 15 ou 20 ans de carrière, pas mal de réalisateurs et d'acteurs sont bien établis et récoltent les fruits de leur travail. Au niveau cinématographique cela va se concrétiser parfois sur des projets montés uniquement autour de la personnalité des stars du grand écran et ce, au détriment de scénarios vraiment originaux, voire creux. A titre d'exemple, on pourrait citer "Le grand escogriffe" avec Yves MONTAND, "Le cavaleur" avec Jean ROCHEFORT où "L'incorrigible" avec Jean-Paul BELMONDO. Ces trois films ayant comme dialoguiste ou scénariste Michel AUDIARD. Dans le cas qui nous occupe selon le livre "Belmondo" écrit par Philippe DURANT, Philippe DE BROCA et Michel AUDIARD tentent de monter un nouveau projet ensemble. Michel AUDIARD en a terminé avec la carrière de réalisateur. Petit à petit ses premiers succès en tant que réalisateur ont fait place à des recettes moyennes au box-office au fur et à mesure des sorties. Conscient qu'il ne sera jamais un grand metteur en scène, il retourne à ce qu'il sait faire de mieux : scénariste / dialoguiste pour les principales productions. Avec son vieux compère DE BROCA ils tentent de proposer un pitch de film à Lino VENTURA. Michel AUDIARD qui le connait bien l'oriente vers un sujet classique pour ne pas le brusquer, mais DE BROCA déclare bêtement par déclarer que le début du film montrera Lino en "dame pipi". Ulcéré, celui-ci se retire devant les compères hilares. Mais bon, pas de star en vue. Alors le réalisateur se rend chez BELMONDO avec qui il a déjà signé 4 succès au box office. Il a vaguement l'idée d'un vol de tableaux, mais rien de plus. BELMONDO devenu producteur se verrait bien en train de se déguiser tout le temps, une sorte de "Fregoli"... Etant donné que l'acteur va coproduire le film, il va falloir pour DE BROCA et AUDIARD broder autour des volontés de l'acteur. Les deux se mettent au travail. Hélas, au cours de l'écriture du script, Michel AUDIARD apprend le décès de son fils dans un accident de voiture. Mais il termine l'écriture du script qui plait à BELMONDO. Le feux vert est donné pour cette nouvelle comédie. L'acteur retrouve Julien GUIOMAR qui avait participé au tournage du "Voleur" de Louis MALLE où il campe un personnage truculent. En ce qui concerne la star féminine, Geneviève BUJOLD à l'adorable minois succède à Jacqueline BISSET. L'actrice canadienne a connu de bons succès aux USA et peut permettre au film de s'exporter plus facilement. Le tournage se déroule cependant sous tension. Non seulement les dialogues de Michel AUDIARD ont perdu un peu de leur mordant des années 60, le réalisateur n'est pas spécialement bien luné car il traverse des problèmes personnels. Il éprouve bien du mal à canaliser sa star qui va en faire des tonnes, encore plus que dans "Le magnifique". BELMONDO cabotine à fond en roue libre. Le réalisateur tente bien de lui faire tourner certaines scènes d'une manière différente, mais rien y fait, l'acteur tourne les scènes de la même façon. C'est BELMONDO qui vampirise l'écran, car l'acteur est bien décidé à faire son one-man-show, c'est bel et bien la confirmation qu'il entre dans sa période "crac badaboum" qui caractérise la seconde partie de sa carrière, et encore est-il un peu bridé dans le film. A l'instar d'un acteur de théâtre qui endosse plusieurs costumes, BELMONDO s'en donne à cœur joie : le spectateur va pouvoir le retrouver déguisé en vieux loup de mer, en horticulteur un brin retardé, en Ministre voire en travelo selon le besoin de ses arnaques. Si la première partie reste plaisante au vu de l'abattage sympathique de notre Bebel national, il faut bien reconnaître que le clou du film, le vol du tryptique représente une intrigue bien insignifiante. Car le principal défaut du film reste bien le rythme qui s'essouffle et qui lasse le spectateur. Sans véritable enjeux, le film reste une démonstration brillante de la générosité bouillonnante de l'acteur envers son public. Pour ceux qui sont fans, c'est très bien, pour les autres l'ennui gagne lentement... La sous intrigue est représentée par la présence de Marie Charlotte la gentille aide-sociale qui doit superviser la reconversion de Victor. Evidemment elle va rapidement tomber amoureuse de lui, puis, surprise, le "faisander" dans les grandes lignes. On le sent arriver soit dit en passant, mais on peut toujours apprécier la beauté de cette actrice fragile qui utilise sa douceur pour mettre au pas l'impudent arnaqueur, mais c'est pour son bien, après tout. Le point positif du film vient de Julien GUIOMAR épatant en collègue sur le retour qui habite en roulotte au pied du Mont St Michel (que Victor parvient à vendre à la fin du film). Désabusé, usé, il représente la part de poésie du film et un contrepoids au virevoltant BELMONDO. Un grand numéro qui sauve le film. D'autres seconds rôles sont impeccables, dont la belle CAPUCINE, habitué aux productions hollywoodiennes, qui campe ici la bourgeoise très classe de Victor. Habituée à ses frasques, elle le met gentiment dehors, ce qui n'empêche pas celui-ci de vendre sa superbe maison en passant. Nous pouvons aussi voir un petit rôle de la pétillante André FERREOL et la débutante Catherine ALRIC.
Bref, cet incorrigible est bien sympathique, mais hélas, représente le plus faible des 5 films du duo BELMONDO / DE BROCA.
Plus fâcheux, Michel AUDIARD semble avoir perdu le sens de ses mots qui ont fait l'histoire du cinéma français. C'est enjoué, fourni, mais rarement remarquable. Indubitablement, Francis VEBER était largement supérieur pour "Le Magnifique". Ici, Audiard livre des dialogues qui font sourire, mais il a bien sûr des circonstances très atténuantes.
De l'aveu même de DE BROCA le film est raté et ne correspond pas à ce qu'il voulait faire. De plus, il va se disputer avec BELMONDO sur la taille de leur nom sur l'affiche. Pourtant, le moins qu'on puisse dire c'est que tous sont bien nantis sur l'affiche. Une brouille va naître entre les deux artistes, et pourtant DE BROCA propose une adaptation de "Cyrano" à l'acteur qui refuse. Il faudra attendre près de 25 ans pour revoir les deux dans le même film, le catastrophique "Amazon". Le film sort à Paris en octobre 1975, un mois toujours favorable aux grosses sorties françaises. Après une campagne marketing toute aussi importante que "Peur sur la ville" le film prend facilement la tête du box office parisien pour deux semaines et reste second les deux semaines suivantes battu par "L'île sur le toit du monde" des studios Disney. Même si le film ne possède pas le souffle de "Peur sur la ville" il se classe à la 10ème place du top de l'année avec 2.5 millions de spectateurs et plus de 900 000 entrées sur Paris banlieue. Le film fait un million d'entrées de moins que "Peur sur la ville" mais triomphe en Allemagne où il se classe numéro 3 de l'année avec 4.2 millions de spectateurs, un triomphe allemand inattendu. Cette année 1975 aura été triomphante pour l'acteur qui aura mis deux films dans le top 10 de l'année, récolté 6.5 millions de spectateurs en France et 5.5 millions en Allemagne. BELMONDO producteur a réussi ses paris. Il va abandonner le projet de son film suivant "Diamants" qui devait être réalisé par Jean-Paul RAPPENEAU, au vu d'un budget trop élevé. Il va se rabattre sur un polar plus conventionnel nommé "L'alpagueur" et mis en scène par Philippe LABRO.
CATEGORIE |
RANG |
NOMBRE |
SALLES |
ENTREES FRANCE |
10 |
2 572 500 |
|
ENTREES PARIS |
|
574 392 |
|
ENTREES BANLIEUE |
|
346 898 |
|
ENTREES PARIS BANLIEUE |
|
921 290 |
|
|
|
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|
1ère semaine |
1 |
146 146 |
28 |
2ème semaine |
1 |
125 714 |
|
3ème semaine |
2 |
122 311 |
|
4ème semaine |
2 |
112 225 |
|
5ème semaine |
2 |
57 206 |
|
6ème semaine |
3 |
48 125 |
|
7ème semaine |
4 |
36 615 |
|
8ème semaine |
9 |
27 408 |
|
Nombre de semaines Paris |
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17 |
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Moyenne salles Paris 1ère sem |
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Cote du succès |
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