LE PETIT MONDE DE DON CAMILLO
4 JUIN 1952
D'âpres rivalités de clocher font bouillonner le petit village italien de la Bassa. Le maire du pays, Peppone, un communiste, vient de triompher aux élections et son succès est dur à Don Camillo, sympathique curé de choc, qui, dans l'ombre du presbytère, s'entretient presque amicalement avec Dieu. La population de Bassa est divisée en deux clans, sauf pour la vieille institutrice Madame Cristina, qui revoit toujours les notables comme s'ils avaient dix ans. Une espèce d'amitié, fondée sur une estime réciproque, réunit pourtant Peppone et Don Camillo dans les cas graves, et ils agissent alors de concert pour le bien de la commune et de la paroisse. C'est le cas par exemple lorsque les familles Filotti et Brusco, qui se détestent, veulent empêcher le mariage de leurs enfants Gina et Mariolino. Comme Roméo et Juliette, les jeunes gens pensent à la mort. Don Camillo et Peppone les sauvent et du coup arrivent à célébrer leur union. Quand le départ du trop turbulent curé est annoncé par l'évêque, qui lui reproche d'avoir copieusement rossé plusieurs partisans du maire, la consternation est générale. Les deux groupes politiques, Blancs et Rouges, viennent le saluer en cachette et Peppone ne lui cache pas qu'il espère son prochain retour...
ANALYSE ET BOX OFFICE
En 1946 un auteur italien de 38 ans Giovannino Guareschi rédige une petite nouvelle de 150 lignes qu'il envoie au journal Candido. cette nouvelle conte l'histoire d'un curé nommé Don Camillo de campagne qui reçoit en confession son ennemi intime, Peppone le Maire communiste du village, le tout sous l'oeil de Jésus, qui communIque directement avec le Curé. Alors qu'il n'attend aucun retour, des centaines de lecteurs écrivent au journal pour demander une suite. Guareschi va écrire plusieurs dizaines de nouvelles à raison d'une par semaine. En 1949 un volume réunit 36 nouvelles sous le titre de "Monde piccolo, Don Camillo". Contre toute attente après plusieurs tirages le livre se vend a 150 000 exemplaires. Un agent littéraire italien fait la tournée des éditeurs français et essuie des refus. Finalement Paul Flamand, Directeur littéraire du Seuil pense qu'il pourra en vendre 10 000 exemplaires, bien que le caractère des personnages et des situations typiquement italiens le font douter d'un succès important. En 1951, "Le petit monde de Don Camillo" se vend a 10 000 exemplaires le premier mois. De nouveaux tirages sont nécessaires pour suivre la demande.
Une adaptation cinématographique est rapidement envisagée.Ce sera une co-production franco italienne.L'acteur italien Gino CERVI qui a l'avantage d'être connu en France est choisi. Giovannino Guareschi qui participe activement au projet aimerait interpréter Peponne car lui même arbore une belle moustache stalinienne et CERVI interprétera Don Camillo. Hélas ( pour lui), l'auteur ne semble pas avoir de talent, et la production va chercher un acteur français pour tenir la répartie à Gino CERVI. Le vétéran Julien DUVIVIER accepte de mener le projet car depuis son retour des USA où il est parti tourner durant la guerre, il n'a pas connu de succès au box office et ses réussites avec le célèbre Jean GABIN sont désormais bien derrière lui. Cependant, il trouve que l'adaptation des nouvelles en film sera ardu et avec l'accord de Guareschi et des producteurs il embauche l'écrivain rené BARJAVEL. A trois ils rendront une copie plus adaptée au cinéma. L'ensemble est un condensé du premier roman ainsi que le second publié en Italie "Don camillo et ses ouailles". Guareschi cède ses droits pour une belle somme et l'ensemble de l'équipe sera intéressée aux éventuels bénéfices, sauf René Barjavel. Le budget du film restera donc raisonnable. Il est prévu de tourner dans plusieurs villages,dont Brescello en Emilie Romagne, région d'origine de l'auteur mais aussi a Cineccita où les scènes d'intérieur, dont celles de l'église de Don Camillo seront réalisées.
Reste à trouver l'interprète de Don Camillo. Dans les romans, Don Camillo est un colosse d'une force herculéenne. Un acteur d'une forte carrure est donc pressenti: Jacques EYSER de la comédie française. Mais non, celui-ci devra se contenter d'être la voix française de Peppone. Jacques MOREL ou Claude BRASSEUR sont aussi évoqués. La production évoque FERNANDEL qui a l'avantage d'être connu en Italie. Si Guareshi le trouve trop peu carré pour le rôle et trop comique (il montre trop ses dents de cheval), DUVIVIER est plus enthousiaste car il sait que l'acteur est tout à fait capable d'alterner le drame et la comédie.
FERNANDEL se montre peu motivé. D'une part il tourne à un rythme soutenu et s'est déjà engagé pour deux films. Il n'a pas été très enchanté du tournage de "L'auberge rouge" et ne désire pas devenir un acteur à soutane. Il annonce à ses proches qu'il va demander un cachet déraisonnable que la production ne pourra accepter. De ce fait il ne tournera pas le film sans froisser la production. Mais l'acteur obtient son cachet sans problème et il accepte de caser le tournage entre deux films. Guareschi n'est pas très enthousiaste car il voyait un acteur plus massif, plus grand. FERNANDEL portera donc des chaussures taille 46 (au lieu de son 42 habituel) pour donner une taille plus imposante à ses pieds, dont le personnage de romans sait très bien se servir.
Du 18 juin au 4 août 1951, FERNANDEL tourne "La table aux crevés" puis enchaîne dès le 3 septembre 1951 le tournage de "Don Camillo". Julien DUVIVIER rencontre bien quelques difficultés avec les figurants italiens car ceux-ci ne désirent pas figurer dans un film qui brocarde un peu les communistes. Il faudra l'aide de Guareschi lui même pour que le tournage se déroule correctement. FERNANDEL redoutait un peu le caractère de Julien DUVIVIER pas vraiment un "yes man" habitués à tourner pour l'acteur. Mais Julien DUVIVIER s'avère un grand professionnel et l'entente entre FERNANDEL et Gino CERVI est sans nuage. L'auteur est ravi par FERNANDEL et déclare qu'il ne voit prsonne d'autre que lui pour jouer son héros de papier. Le tournage s'achève le 24 novembre 1951 sans encombre mis à part que FERNANDEL aura bien souffert de la chaleur sous sa soutane mais aussi de ses chaussures trop grandes.
Les premières projections techniques sont très décevantes. GUARESCHI reproche à DUVIVIER un film lent et pas réellement drôle. Le réalisateur est touché au moral, il déclare qu'il doute que le film marche. FERNANDEL lui en février 1952 est parti tourner "Coiffeur pour dames". Si l'auteur est dur avec DUVIVIER sans doute n'est-il pas capable d'apprécier toutes les qualités que le réalisateur a insufflé au film. Loin d'être un film comique, c'est cependant une vraie comédie qui réussit l'exploit de présenter une unité avec cet assemblage de nouvelles puisées dans les deux romans. C'est une comédie qui se repose sur une étude sociologique sans faille de cette époque particulière de l'Italie d'après guerre, en particulier dans ce village déchiré entre les pauvres paysans communistes et les riches propriétaires terriens. La grande force est de ne prendre parti pour personne et de ne pas rendre ridicule le peuple communiste. Le réalisateur dirige à la perfection les deux acteurs magistraux que sont FERNANDEL et Gino CERVI. On le sait FENANDEL est capable du meilleur comme du pire, capable d'alterner les nanars où les très grands films, encore faut-il un grand réalisateur derrière la caméra. Parfaitement canalisé, FERNANDEL peut donc donner le meilleur de lui même, un des très rares acteurs capable d'alterner le burlesque et le drame à la demande. Loin d'écraser Gino CERVI il trouve dans l'acteur transalpin un alter égo parfait, les deux campent un duo absolument inoubliable, chacun se renvoyant la balle.
Le pari étant de captiver le spectateur malgré une voie off omniprésente nécessaire pour décrire les enjeux de ce village italien à un public pas nécessairement spécialiste de l'esprit de l'époque. Cette voix off vient en supplément de la voix céleste du Christ qui s'adresse directement à Don Camillo et dont seuls les spectateurs ont le privilège d'entendre. Il est nécessaire au spectateur de patienter durant la présentation des personnages pittoresques du film : d'abord Camillo, puis Peppone, mais aussi le couple d'amoureux secrets, un peu les Romeo et Juliette de l'histoire mais aussi de l'ex institutrice du village un personnage puissant et haut en couleur. L'intrigue, oui plutôt les intrigues peuvent se dérouler tranquillement. Si le film n'est pas un film comique il ne manque pas de grands moments. Il y a bien sûr l'incroyable rivalité entre Don Camillo et Peppone qui ne parvient pas à masquer une amitié virile qu'aucun des deux personnages n'ose avouer publiquement. Les dialogues sont savoureux entre les deux personnages et les situation sont nombreuses et déroutantes. Le public peut voir Don Camillo sortir une mitraillette qu'il aura subtilisé lorsqu'il a mis le feu à la réserve d'armes de Peppone et qu'il utilisera comme argument de négociation pour le partage d'un butin de guerre. Don Camillo est un colosse qui n'hésite pas à utiliser les poings dans des scènes qui annoncent les futurs films de Terence Hill et Bud Spencer. Il y a bien sûr la célèbre scène du match de foot version baston, le sauvetage du bétail de la commune par les deux héros, le décès de l' ancienne institutrice du village qui fera tout pour sauver l'amour des deux jeunes tourtereaux, le combat de Peppone pour qu'elle soit enterrée avec un drapeau qui n'a rien de communiste et la cause commune des deux personnages pour forcer l'union des deux amoureux transis. Le clou du film vient du départ forcé de Don Camillo. Ce dernier traverse seul le village entièrement vide pour se rendre à la gare. Le village s'est séparé en deux gares distinctes afin de clamer leur amour pour Don Camillo, Peppone ne voulant pas perdre la face envers l'autre moitié du village. Une séquence émotion parfaitement maîtrisée par un Julien Duvivier qui a apporté une rare subtilité à une comédie drôle, parfois amère, mais totalement maitrisée. Après "L'auberge rouge" Fernandel démontre qu'il est totalement au sommet de son art, largement au dessus du lot quand il est bien dirigé. L'acteur signe peut être une de ses dernière très haute prestation. Bien sûr Gino CERVI dans une prestation plus bourrue est tout aussi magistral. Bref le film est une des meilleures comédies des années 50, un très grand classique.
Reste à savoir comment le public qui apprécie tant les romans va recevoir le film. Le film sort en Italie en mars 1952 alors que FERNANDEL a entrepris le tournage de "Coiffeur pour dames" et il rencontre un succès massif immédiat. De bonne augure pour la sortie française prévue en juin 1952. La promotion du film est importante et centrée sur le meilleur rôle de L'acteur.
"Le petit monde de Don Camillo" bénéficie du célèbre Gaumont Palace ainsi que deux belles salles, le "Berlitz" et le "Colisée". Avec 55 000 entrées au Gaumont Palace et 30 000 au Berlitz, le film débute superbement son exclusivité parisienne avec 102 000 spectateurs ce qui le place très largement en tête du box office parisien. Le bouche à oreille est excellent et le film approche les 100 000 entrées en seconde et troisième semaine. Après 7 semaines d'exclusivité le film a attiré plus de 500 000 spectateurs un score tout à fait exceptionnel.
Le film intègre le circuit des salles dites "de continuation" où son succès se confirme. Mais ce n'est rien par rapport aux succès rencontré dans les salles de "quartiers" circuit qu'il intègre en octobre 1952. Plus de 300 000 entrées la première semaine un record du genre, plus de 800 000 entrées en un mois, un triomphe absolu dans des salles bondées a plus de 10 000 entrées la semaine. Ce phénomè,e va se reproduire à l'échelle de la France. Dès la rentrée 1952 le nombre de copies diffusées augmente et le film va grimper à des scores vertigineux pour l'époque. En 17ème semaine les entrées montent a 379 000 sur 32 copies. les entrées ne cessent de croitre pour atteindre un pic de 617 000 spectateurs en 63 salles en 20ème semaine. Cet énorme succès se confirme jusqu'à la fin d'année. Au 31 décembre 1952 il aura attiré 6 600 000 spectateurs en 6 mois d'exploitations. Et ce n'est pas fini étant donné que durant l'année 1953 le film attirera 4 500 000 spectateurs supplémentaires, ce qui en soit en fait le champion de l'année. C'est en quelque sorte le premier blockbuster français. En fin de carrière le film aura attiré près de 12.8 millions spectateurs en France.
L'Italie réserve le même accueil phénoménal au film avec plus de 13 millions de spectateurs ce qui en fait un record
Comme le dira Fernandel : "Avant "Don Camillo" j'étais connu pour le rôle d' "Angèle". Après je suis devenu célèbre pour ce rôle.
Avec ce triomphe absolu, l'acteur va entrer dans une exceptionnelle période de succès au box office.
CATEGORIE | POS | NOMBRE | SALLES |
ENTREES FRANCE | 1 | 12 790 676 |
|
ENTREES FRANCE 1952 | + 6 600 000 | ||
ENTREES FRANCE 1953 | + 4 500 000 | ||
9ème semaine | 58 046 |
8 | |
10ème semaine | 125 310 | 13 | |
11ème semaine | 102 818 | 19 | |
12ème semaine | 60 705 | 10 | |
13ème semaine | 76 224 | 11 | |
14ème semaine | 70 511 | 14 | |
15ème semaine | 93 796 | 15 | |
16ème semaine | 78 501 | 11 | |
17ème semaine | 379 905 | 32 | |
18ème semaine | 491 195 | 41 | |
19ème semaine | 561 295 | 54 | |
20ème semaine | 617 557 | 63 | |
21ème semaine | 505 452 | 64 | |
22ème semaine | 472 910 | 63 | |
23ème semaine | 526 693 | 66 | |
24ème semaine | 399 371 | 64 | |
25ème semaine | 309 170 | 63 | |
26ème semaine | 272 557 | 62 | |
27ème semaine | 222 387 | 62 | |
28ème semaine | 172 703 | 48 | |
ENTREES PARIS BANLIEUE |
+ 3 000 000 |
||
1ère semaine | 1 | 102 101 |
3 |
2ème semaine | 1 | 98 210 |
3 |
3ème semaine | 1 | 95 649 |
3 |
4ème semaine | 1 | 63 332 |
3 |
Cote du succès | * * * * * * * |