LES MISÉRABLES
12 MARS 1958
1ère ÉPOQUE
En 1815, un paysan, Jean Valjean parvient à s'évader du bagne de Toulon où il avait été emprisonné pour le vol d'un pain. Hébergé charitablement par l'évêque de Digne, Monseigneur Myriel, il s'enfuit en emportant les couverts de son bienfaiteur. Bientôt repris par les gendarmes, il est relâché grâce au témoignage du prélat qui affirme lui avoir donné ces pièces d'argenterie auxquelles il ajoute des chandeliers. Le misérable va voler encore une pièce de monnaie à un petit savoyard, mais la parole de Monseigneur Myriel l'a troublé, et, repentant, il se promet de consacrer sa vie à faire du bien. Quelques années plus tard, un honorable industriel répand ses bienfaits sur la ville de Montreuil-sur-Mer. Il s'appelait autrefois Jean Valjean, il est devenu M. Madeleine. Le chef de la police, Javert, qui avait connu Jean Valjean à Toulon, soupçonne la véritable identité de l'homme que l'on vénère et commence avec lui le jeu du chat et de la souris. Le duel entre les deux hommes s'engage tout à coup, franchement, à propos d'une malheureuse prostituée, Fantine, que protège M. Madeleine. Cette Fantine, brisée par la maladie, est soignée à l'hôpital, et elle a une petite fille Cosette, qu'elle a confiée à un couple d'aubergistes, les Thénardier, établi à Montfermeil. Valjean / Madeleine jure à Fantine qui va mourir qu'il s'occupera de l'enfant. Il apprend qu'un homme a été arrêté à sa place, intervient au procès et révèle son identité. En dépit du danger d'être repris par Javert, il renouvelle à Fantine sa promesse, se hâte vers Montfermeil, retrouve Cosette l'arrache aux Thénardier qui maltraitaient l'enfant et l'emmène avec lui.
2ème ÉPOQUE
Des années ont passé: Cosette a dix-sept ans. Elevée par l'ancien forçat devenu jardinier sous le nouveau nom de Fauchelevent elle aime Marius, jeune étudiant acquis aux idées nouvelles, en est aimée. Marius qui aspire à la Révolution, comme ses camarades, habite dans une mansarde à côté de celle où logent les Thénardier, tombés dans la misère, dont la fille aînée, Eponine, n'est pas non plus insensible à la prestance du jeune homme. Or Thénardier a reconnu Jean Valjean dans la rue, il prépare un guet-apens, mais là encore Valjean arrive à s'échapper et, inquiet de sentir l'ombre de Javert peser sur lui, s'organise pour quitter Paris. Au cours de l'émeute qui suit les obsèques du général Lamarck et à laquelle participent Marius et son ami Enjolras, Javert espionne, sous un déguisement, les combattants d'une barricade. Un gamin, Gavroche, le reconnaît et Javert est mis hors d'état de nuire. Peu après, Gavroche qui était le messager de Marius auprès de Cosette est tué. Tuée également, Eponine qui avait voulu protéger Marius d'un coup de fusil. Pendant la bataille, Jean Valjean libère Javert et sauve Marius en le transportant avec lui dans les égouts. Javert qui a aidé Jean Valjean à ramener le jeune homme chez son grandpère, laisse libre celui qu'il recherchait si opiniâtrement. Estimant avoir reconnu ainsi le geste de l'ancien forçat, Javert va se jeter dans la Seine. Marius, libre et guéri, épouse Cosette. Jean Valjean lui révèle alors son identité. Marius lui demande de ne plus voir Cosette. Le vieil homme s'incline, vit en reclus. Thénardier croyant l'accabler et faire chanter Marius explique à ce dernier que le père de Cosette n'est qu'un assassin qui fuyait dans les égouts portant sur son dos un cadavre. Marius reconnaît alors son sauveur. Cosette et lui pourront recueillir le dernier soupir de Jean Valjean.
1958 est sans doute l'année la plus fastueuse pour Jean Gabin en ce qui concerne la période de l'après guerre. Revenons à 1957 et au projet de Pathé de produire une nouvelle version de leur "Misérables" de 1935 qui a été un gros succès. Ce sera une coproduction dont le tournage se déroulera principalement dans les studios de DEFA en Allemagne de l'Est. A la réalisation le choix peut s'avérer curieux en la personne de Jean-Paul Le Chanois honnête réalisateur sans aucun génie mais qui a connu quelques beaux succès avec Robert Lamoureux et qui vient également de tourner avec Jean Gabin "Le cas du Docteur Laurent" . L'acteur qui a tourné 4 fois avec lui ne l'apprécie pas plus que cela, d'ailleurs lorsqu'il entre en colère contre lui il l'appelle "Le Chafus" car le vrai nom du réalisateur est Jean-Paul Dreyfus. Le choix de l'acteur peut sembler évident tant il cumule la notoriété et l'âge indispensable pour composer Jean Valjean. Le reste du casting est de haute volée : Bourvil est imposé par Jean Gabin, marqué par la prestation de haute volée dans "La traversée de Paris". Gabin et Bourvil possèdent des méthodes de travail différentes. Bourvil avant certaines scènes se prépare physiquement, il pratique des exercices physiques qui le font entrer "en transe" avant de tourner. Lorsque Bourvil en Thénardier menace Jean Valjean avec un tisonnier, Gabin est obligé de calmer son compagnon de tournage en lui rappelant que ce n'est qu'un rôle. En dehors des qualités de Bourvil qui ne sont plus à prouver, son rôle est un peu plus trouble que ses compositions habituelles, mais dans "La traversée de Paris" l'acteur avait déjà démontré de grandes qualités. Du reste, le plus important c'est qu'en terme de box office, l'acteur est une incroyable valeur ajoutée, il bonifie littéralement les entrées des vedettes avec qui il partage l'affiche. Le Chanois fait aussi appel à Bernard Blier qui est son acteur fétiche depuis longtemps. On oublie parfois lorsque l'on évoque le film d'évoquer le talent de Blier qui joue un très grand Javert. Jean Gabin ne s'y trompe pas car il va très régulièrement faire appel à Blier les 3 années suivantes. En dehors de ce casting 3 étoiles, il y a la jolie Danièle Delorme dans le rôle de Fantine, Serge Reggiani , et les fades Béatrice Altabira et Giani Esposito. Bref du très bon, mais aussi du moins bon coté acteurs. Le Chanois qui sait qu'il a l'occasion de réaliser son plus grand film s'applique durant un tournage qui hélas s'éternise. Il s'éternise tant que le nombre de jours de tournage prévu dans le contrat de jean Gabin arrive à terme. Dans ce genre de cas, l'acteur peut très bien poursuivre le tournage. Mais Jean Gabin gardait une dent dure contre Pathé. En effet dans "Les portes de la nuit" en 1946 Jean Gabin devait être la vedette avec Marlène Dietrich. Mais à cause de Marcel Carné l'acteur dut annuler sa participation au film et payer un gros chèque de plusieurs millions à Pathé. Dès lors, Jean Gabin réclama à Pathé un dédommagement conséquent pour chaque jour de tournage supplémentaire et Le Chanois poursuivant un tournage difficile ce ne fut pas moins de plusieurs mois de tournage qui fut payé à Gabin. L'acteur hilare déclara que son chèque de 1946 fut remboursé au centuple.
Le film parvient à son terme fin octobre 1957 après 6 mois de tournage. Le Chanois qui sait que son film va sortir en deux époques, à l'instar de quelques classiques du cinéma français a de grandes ambitions et à la volonté de présenter une grande fresque. Hélas pour lui on lui signifie que son film sera trop long. Il doit sérieusement réduire la durée des deux parties car il apprend également qu'elles seront diffusées tout du moins pour son exclusivité en une grande séance séparée par un entracte. Il devra faire ses choix mais parvient à présenter la majorité des personnages présents dans le roman de Victor Hugo et parvient même à donner un parfum un peu nostalgique à cette période post Napoléonienne durement traversée par le peuple français. Le Chanois a sans doute réalisé son chef d’œuvre personnel mais restera à jamais déçu que son film d'une durée initiale de 5 heures soit saucissonné en deux parties de 90 minutes.
Le film sort simultanément à Paris et dans plusieurs salles françaises ce qui est plutôt rare à l'époque où la première semaine d'exploitation est réservée aux salles d'exclusivité parisiennes. Sur 5 salles parisiennes il réalise 45 800 entrées dont le Wepler et ses 1600 fauteuils où il récolte 14 700 spectateurs pour sa première semaine. Encore mieux le film reçoit un accueil massif avec 323 000 spectateurs en 34 salles soit une moyenne par salle très importante alors qu'avec un entracte la séance du film dure 3 heures 30. Le nombre de salles augmente rapidement et avec pas moins de 80 copies le film grimpe même au score rare de plus de 503 000 spectateurs pour sa 3ème semaine. Du couple film passe très rapidement le cap des 2 millions de spectateurs en seulement 5 semaines d'exploitation. Une exploitation massive pour l'époque certainement dictée par Pathé soucieux de rapidement rembourser le coût du film. A l'échelon national le film affronte un autre cador du box office "Le pont de la rivière Kwaï". Après un fléchissement de ses entrées qui perd de la vigueur au cours de l'été, la fin d'année 1958 sera l'occasion pour le film de remonter dans les classements. Selon la revue du CNC relative au box office 1958 le film établit le très beau score de 7 821 000 entrées en 104 semaines d'exploitation ce qui le place dans le top des entrées. Au final le film sera encore exploit dans les années 60 pour terminer proche des 10 millions de spectateurs en France. Cependant il est dommage que le CNC n'ait pas attribué un numéro de visa distinct pour chacune des époques du film. En effet dès la fin 1958 une majorité des salles de Province exploitera le film sur deux semaines distinctes. Il aurait été intéressant de connaitre la part de chacune des parties dans le box office global du film, il est évident comme à chaque fois qu'un film a été diffusé en deux parties que la première attire plus de spectateurs que la seconde. Néanmoins en considérant l'addition des spectateurs des deux parties le film devient le plus grand succès de l'après guerre pour Jean Gabin et confirme s'il en était besoin son immense popularité. Pour Bourvil c'est également une confirmation qu'il est un extraordinaire catalyseur d'entrées dès lors qu'il est en présence d'une star à ses cotés, nous le constaterons une nouvelle fois lorsqu'il tournera avec Jean Marais. Par contre "Les Misérables" n'est que le 3ème plus grand succès de sa carrière puisqu'il fera bien plus quelques années plus tard. Bernard Blier connait lui aussi son plus gros succès et va poursuivre sa collaboration fructueuse avec Jean Gabin, une très solide amitié s'étant développée entre eux durant le tournage.
Le film est également un gros succès en Italie avec 4.7 millions de spectateurs et en Russie avec 24 millions de spectateurs. Il n y a malheureusement pas de données disponibles pour l'Allemagne même si le film a été très bien reçu.
CATEGORIE | RANG | ENTREES | SALLES |
ENTREES FRANCE | 2 | 9 966 274 |
|
1ère semaine FRANCE |
1 | 323 475 | 34 |
2ème semaine FRANCE | 1 | 463 272 |
73 |
3ème semaine FRANCE | 1 | 503 933 |
80 |
4ème semaine FRANCE | 1 | 341 300 |
75 |
5ème semaine FRANCE | 2 | 250 139 |
57 |
6ème semaine FRANCE | 2 | 242 151 |
60 |
7ème semaine FRANCE | 2 | 237 223 |
79 |
8ème semaine FRANCE | 1 | 197 106 |
71 |
9ème semaine FRANCE | 2 | 161 709 |
57 |
ENTREES PARIS BANLIEUE | + 2 000 000 |
||
1ère semaine | 1 | 45 800 |
5 |
2ème semaine | 4 | 30 302 |
|
3ème semaine | 5 | 25 140 |
|
4ème semaine | 6 | 30 140 |
|
5ème semaine | 9 | 21 309 |
|
6ème semaine | 11 | 12 281 |
|
Cote du succès | * * * * * * |
SOURCE FABRICE FERMENT / CNC
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