WEEK-END A ZUYDCOOTE
18 DÉCEMBRE 1964
RÉSUME
Les premiers jours de juin 1940 dans une France affolée, sous un ciel implacablement bleu, et, plus particulièrement dans cette poche de la mer du Nord où un tronçon de l'armée française tente de gagner l'Angleterre. Le week-end est tragique pour la France, il est tragique aussi pour le soldat Julien Maillat, qui se trouve, comme tant d'autres, coincé dans l'étau. Il assiste à la bataille et nous voyons le combat comme il le voit lui-même.
Maillat est un aimable Français moyen. Jeune et dégourdi, cultivant l'amitié, sensible et sans doute sentimental. La guerre le dégoûte mais il sait se battre et puis il y a tout un petit groupe autour de lui : Alexandre, un sympathique râleur, Pierson, un aumônier philosophe, et Pinot, un "gars de Bezons" équipé d’un fusil-mitrailleur. Chacun se sent solidaire de ceux qui l'assistent, et chacun s'épaule dans les coups durs, sauf peut-être Dhéry, un combinard qui rêve déjà de marché noir.Ceux-ci sont nombreux : les bombardements hallucinants, les mitraillages ininterrompus, la panique, le souffle du désastre... On soigne les blessés dans un hôpital de fortune, on progresse péniblement vers les plages d'embarquement, et il arrive tout de même qu'on abatte des avions ennemis. Les cargos, bourrés d'hommes épuisés, deviennent des cibles et se transforment souvent en brasier. La guerre-éclair, la guerre totale.Dans ce prélude à l'apocalypse, Julien rencontre une jeune fille, Jeanne, retranchée dans sa maison, submergée par la bataille, au moment où deux soldats tentaient de la violer. Julien les abat et, rapidement, l'amour unit le militaire et sa protégée. Alexandre est tué en allant chercher de l’eau pour ses amis, qui l’enterrent dans les dunes.
Julien et Jeanne décident de fuir ensemble, projet fou, irréalisable pendant ce week-end d'été, sur la plage de Zuydcoote. Julien meurt alors que la jeune fille courait à sa rencontre et, qu'en fond de tableau, les troupes françaises continuent désespérément d'embarquer.
ANALYSE ET BOX OFFICE
Jean-Paul Belmondo a donc connu un début d'année 1964 exceptionnel avec deux succès majeurs tels "L'Homme de Rio", "100 000 dollars au soleil", et un beau succès avec "Echappement libre". Et ce n'est pas fini. L'acteur retrouve Henri Verneuil qu'il a quitté quelques mois auparavant. Il faut dire que le réalisateur adore Belmondo avec qui il a tourné "Un singe en hiver", et surtout "100 000 dollars au soleil". En cet été 1964 Belmondo qui tourne a grand rythme rejoint donc cette superproduction financée en majorité par les frères Hakim. Le budget est conséquent pour l'époque, 10 millions de francs, mais cependant loin des budgets hollywoodiens consacrés à ce genre de productions. Car c'est un film de guerre ambitieux qui nécessite des moyens lourds si on désire être crédible à l'écran. . Cette pénible page d'histoire a fourni la matière de quelques films ou séquences de films : le début de "jeux interdits" par exemple (René Clément 1952), celui de "Babette s'en va-t-en guerre" (Christian-Jaque, 1959). Dans "le soldat Laforet" (1974), Guy Cavagnac a trouvé dans la débâcle des thèmes écologiques, Michel Mitrani a évoqué la "Drôle de guerre" et le début de la défaite dans les Ardennes avec "un balcon en forêt"(1979) et si Pierre Granier-Deferre a dépeint dans "Le train" (1973) l'exode des civils, Robert Lamoureux a voulu faire rire malgré tout avec "Mais où est donc passée la 7ème compagnie?" (1973)."Week-end à Zuydcoote" était le premier roman de Robert Merle ("La Mort est mon métier", "Madrapour", "Fortune de France"...). Publié chez Gallimard, ce livre lui valut le Prix Goncourt 1949, alors que son manuscrit avait été refusé par l’éditeur Julliard. Trois autres de ses romans ont été adaptés à l’écran : "Un Animal doué de raison" devint "Le jour du dauphin" de Mike Nichols (1973), "Malevil" le film homonyme de Christian de Chalonge (1981), et "L’Île", un feuilleton télévisé signé François Leterrier (1987).. Henri Verneuil va utiliser tous les moyens mis à sa dispositions. Pour éviter des coûts trop importants il a parfaitement organisé son planning de 8 semaines de tournage. Les scènes doivent être mises en boite rapidement mais sûrement. Il dispose de 2000 figurants dont pas mal d'ouvriers du coin, d'avions ressemblant aux avions allemands de l'époque, d'un parc de 17 voitures qui étaient déplacées au cours de la nuit comme matériels de guerre. Et puis, pas mal d'astuce afin de faire croire que la ville est en flamme, en utilisant des pneus brûlés. Avec la maestria technique d'Henri Verneuil tout passe très bien à l'écran.
Si le film est un film de guerre, c'est surtout une histoire d'hommes et de femmes perdus au sein de ces évènements et qui tentent de se sortir vivants de cette guerre. C'est un film intimiste en quelque sorte. Pour interpréter cette tragédie, le réalisateur peut compter sur un très beau casting, comme d'habitude. Jean-Paul Belmondo qui joue Julien va retrouver une nouvelle fois son ami Jean-Pierre Marielle déjà croisé dans "Peau de banane" et "Echappement libre", mais cette fois pour un vrai grand rôle du prêtre du bataillon. L'acteur monte en régime au sein des productions françaises. François Périer est présent lui aussi au sein du bataillon ainsi que Pierre Mondy qui joue le rôle d'un français moyen un peu pétochard. Georges Géret va livrer une prestation dont il a le secret. C'est bien sûr la jeune Catherine Spaak qui va attirer l'attention dans le rôle lumineux de Jeanne où elle fait admirer sa jeune beauté. Marie Dubois fait également une apparition dans un rôle tragique.
Le film raconte la vie de Julien, sergent qui a perdu son bataillon. A Zuydcoote la situation est difficile, l'armée avance impitoyablement et repousse les troupes françaises et anglaises le long de la côte. L'espoir est de rejoindre Londres en compagnie des soldats anglais. Mais les bombardements allemands sont de plus en plus rapprochés et meurtriers. Julien n'a pas froid aux yeux et va faire connaissance de quelques soldats qui deviendront ses compagnons d'infortune. Verneuil montre une armée en débâcle, désoeuvrée, impuissante, qui possède peu d'informations. C'est un peu la débrouille. En plus les bombardements ennemis s'intensifient. Les troufions tentent de vivre comme tous les jours, il convient de trouver du pain, de se soutenir. Julien panique ses copains lorsqu'il déterre une mine à mains nues ou refuse de gagner un abri lorsque le bombardement est en cours.... Ce n'est pas le cas de Dhéry, joué par Pierre Mondy qui se blesse légèrement à une main, il faut lui trouver un médecin l'occasion de montrer la difficulté d'un hôpital de guerre. L'abbé Pierson lui tente de faire ce qu'il peut pour remonter le moral des troupes. Le danger est partout. Pinot un soldat plutôt facile de la gâchette et Julien débusquent des informateurs allemands déguisés en nonnes, cachés dans l'église. Pinot les descend....
Julien va découvrir un peu de joie dans ce monde de brutes en se rendant chez Jeanne qu'il a remarqué le matin, sur le balcon de sa maison. Sa présence rassure la jeune fille et sa sœur. Il tente la convaincre de partir, mais celle-ci est trop attachée à sa maison familiale. Julien tombe sous le charme poupin de la magnifique Catherine Spaak.Mais il doit partir et tente de rejoindre l'Angleterre. Les cargos sont réservés aux Anglais, mais il parvient à embarquer en compagnie d'un couple. Un soldat anglais s'est marié avec une française et celle-ci, jouée par Marie Dubois, doit se déguiser en soldat pour embarquer. C'est une des scènes spectaculaires du film. Le bateau est attaqué par l'aviation allemande qui massacre les occupants du bâtiment qui prend feu. Le jeune couple meurt. Une boucherie dont Julien échappe de peu. Il regagne la côte épuisé. Les morts jonchent la plage. Il retrouve ses amis et va repasser par la maison de Jeanne. Il arrive à temps pour découvrir deux lâches soldats français qui tentent de violer Jeanne. Il tente de faire entendre raison aux deux hommes mais ceux-ci sont des bêtes. Julien les abat froidement ce qui ne semble pas vraiment affoler le soldat français qui l'aider à transporter les corps. Dans l'horreur de la guerre tout devient banal et l'homme s'habitue aux atrocités. Julien vit une romance un peu brusque avec Jeanne dans la cave de sa maison. Elle ne veut toujours pas partir et Julien doit s'employer devant cette femme enfant, têtue et boudeuse... De retour sur la plage, Julien doit déplorer la perte d'Alexandre tué alors qu'il allait puiser de l'eau...Une mort triste, banale, anonyme... Julien joue le tout pour le tout pour faire changer Jeanne d'avis, et met leur romance en jeu. Il lui donne un rendez-vous de la dernière chance sur la plage à 7 heures. Hélas, un bombardement éclate sur la plage, et cette fois, dans cette funeste loterie, il n'échappe pas à un obus. Il meurt au bord de son cratère, non sans avoir vu pour sa dernière image, Jeanne au loin, qui se rend avec sa valise à leur rendez-vous.
Ce drame se joue en un week end, d'où le titre..... Deux êtres pris dans une guerre absurde..
Réalisé de main de maître par Henri Verneuil, ce film n'a pas grand chose à envier à une production américaine, ce cinéma dont il est si friand... Mais il ne se contente pas de montrer ses qualités techniques, il parvient également à distiller une émotion réelle avec ses gens "normaux" perdus dans ce conflit. On se souviendra de son très bon film avec Gabin "Des gens sans importance" où il démontrait des capacités à raconter des histoires...
Jean-Paul belmondo apporte son assurance habituelle au film. S'il n'est qu'un soldat perdu dans cette guerre, il n'en démontre pas moins des qualités de courage, et accomplit un acte grave en assassinant deux soldats français qui tentent de violer une jeune femme, un acte horrible dans une guerre horrible. L'histoire d'amour qui en découle parait un petit futile dans cet environnement, même si c'est un petit rayon de soleil dans ce ciel dunkerquois bien sombre. Pas de "happy end" pour le film, c'est un film réaliste. Le reste du casting est d'un haut niveau avec de telles pointures et le public peut profiter de la belle Catherine Spaak découverte entre autres dans "Le puits aux trois vérités" ou "La ronde".
En 2018 Christopher Nolan réalise "Dunkerque" dont le point de vue est situé du coté anglais de cette tragédie. Dotée de grands moyens cette production n'éclipse absolument pas la qualité de "Week-end à Zuydcoote", c'est même un film complémentaire afin d'avoir la vison française et anglaise de cette épisode sanglant de la seconde guerre Mondiale.
Le film sort à Paris le 18 décembre 1964 dans 3 belles salles d'exclusivités : Le Normandie (16 600 entres), La Rotonde et le Rex (40 268 entrées) et prend la première place du box office hebdomadaire qu'il conserve deux semaines. Pour la semaine de noël le film attire 52 000 spectateurs au Rex. C'est le quatrième top 1 de l'année pour Jean-Paul Belmondo et un très beau succès parisien car il attire 900 000 spectateurs sur Paris et sa banlieue. Pour le reste de la France il faudra attendre quelques semaines pour que le film soit projeté mais là également il prend sans coup férir la tête du box office hebdomadaire français et reste 10 semaines dans le top 5 français. Au final le film attire plus de 3.1 millions de spectateurs en France, un score proche de "100 000 dollars au soleil".
Il faut attendre le 18 février 1965 pour que le film sorte dans les salles d'exclusivité Bruxelloises (Capitole, Colisée,Empire, Marivaux). Il prend la première place du top hebdomadaire devant "L'âge ingrat" avec 1 282 000 francs ( environ 36 000 entrées) et la conserve la semaine suivante. Il perd la première place du classement pour sa 3ème semaine au profit de "Jerry chez les cinglés". Au final le film rapporte 3 225 000 francs au terme de son exclusivité Bruxelloise soit environ 92 000 entrées.
En Italie le film marche très bien avec plus de 500 millions de lires de recettes soit environ 2 200 000 entrées (source Laurent Aumaitre).
Pour jean-Paul Belmondo cette année 1964 fut exceptionnelle d'une part en terme d'entrées mais aussi en raison de la qualité des films. Superstar française il devra mettre à l'épreuve ce nouveau Statut et nous verrons si en 1965 il rencontre le même succès. Henri Verneuil va tenter de s'imposer dans des productions internationales car il rêve de conquérir Hollywood. Catherine Spaak va chosiir de poursuive sa carrière en Italie et va devebir une très grande vedette.
Anecdotes relatives au film ( par Didier Noisy)
Tout d’abord, un commentaire de Pierre Mondy sur l’ambiance qui régnait pendant le tournage :
« Dans ce film à grand spectacle, il fallait près de trente minutes pour mettre une scène en place. Chaque passage d’avion au-dessus de la plage coûtait une fortune. Interrompre le tournage pour cause de fou-rire devenait une catastrophe. Avec Belmondo, nous nous sommes faits rappeler à l’ordre une ou deux fois par Verneuil, mais rien n’arrêtait Jean-Paul. J’ai dû me mettre du coton dans les oreilles pour ne pas entendre les conneries de Jean-Paul, au beau milieu de grands mouvements de figurants, et pour arriver avec une tête de circonstance devant la caméra.
Pour ce film, Belmondo et Marielle habitaient une maison louée par la production, tandis que Périer et moi étions dans un appartement près de celui de la scripte. Un soir, nous étions tous invités chez elle pour une soirée homards grillés. Cette soirée, sympa, à vite dégénérée en bagarre à coups de casseroles d’eau. Comme le "champ de bataille" n’était pas assez grand, nous avons terminé sur la plage ! Pour nous maîtriser, un cordon de gendarmes avait été appelé en renfort !
Malgré les remontrances, rien ne nous a jamais arrêtés. C’était l’enfer du rire ! Je pense que pour Jean-Paul, il est impensable de tourner sans créer cette atmosphère de fête et de jeux permanents ».
Par ailleurs, le cinéaste explique, dans le livre qui lui est dédié ("V… comme Verneuil"), l’anecdote suivante concernant sa collaboration avec Robert Merle :
« Nous avions fait l’adaptation ensemble. Pas une séquence, pas une réplique, pas un mot n’avait été écrit sans son approbation. Ce fut une totale collaboration entre l’écrivain et le cinéaste ».
Le film fut un énorme succès dans le monde entier. La critique fut, pour une fois, unanime.
Et voici ce que disait Robert Merle, dans une article des "Lettres françaises de 1965", au journaliste qui lui faisait remarquer que dans le roman la guerre n’était qu’en toile de fond, alors que dans le film elle prend une part très importante :
« J’aime énormément le film que Henri Verneuil à tiré de mon livre… J’ai vraiment apprécié ma collaboration avec lui. Pour l’adaptation, nous nous sommes battus avec les différentes difficultés du texte. Mais, je ne suis pas d’accord avec vous. Je pense que la guerre n’est pas plus au premier plan dans le film que dans mon livre. La guerre était vraiment la matière du roman ».
Quinze ans après, à l’occasion de la 3ème ou 4ème diffusion du film à la télévision, Verneuil lit un article de Robert Merle dans le "Figaro TV". Et qu’elle ne fut pas sa surprise en découvrant ces lignes. Le romancier passait soigneusement sous silence sa collaboration à l’écriture du scénario et, se désolidarisant, reprochait que dans le film la guerre était trop présente, alors qu’il avait écrit une œuvre plus intimiste !!!
CATÉGORIE | RANG | ENTRÉES | SALLES |
ENTRÉES FRANCE | 9 | 3 154 140 |
|
6ème semaine FRANCE | 1 | 92 283 |
9 |
7ème semaine FRANCE | 3 | 101 565 |
12 |
8ème semaine FRANCE | 1 |
169 942 |
25 |
9ème semaine FRANCE | 1 | 125 677 |
28 |
10ème semaine FRANCE | 4 | 100 854 |
23 |
11ème semaine FRANCE | 3 | 94 494 |
29 |
12ème semaine FRANCE | 2 | 111 193 |
41 |
13ème semaine FRANCE | 5 | 80 597 |
33 |
14ème semaine FRANCE | 2 | 119 253 |
42 |
ENTRÉES PARIS BANLIEUE | 900 000 |
||
1ère semaine | 1 | 69 048 |
3 |
2ème semaine | 1 | 92 636 |
3 |
3ème semaine | 1 | 76 497 |
3 |
4ème semaine | 2 | 47 695 |
3 |
5ème semaine | 2 | 40 784 |
3 |
BOX OFFICE ITALIE |
2 200 000 |
||
BUDGET |
10 Millions francs | ||
Cote du succès | * * * * * |
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