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Par Renaud SOYER le 27 Février 2006 à 20:15
L'IMPORTANT C'EST D'AIMER
12 FEVRIER 1975
- Réalisation : Andrzej Żuławski
- Scénario : Andrzej Żuławski, Christopher Frank, d'après La Nuit américaine de Christopher Frank
- Photographie : Ricardo Aronovich
- Musique : Georges Delerue
- Production : Albina Du Boisrouvray
- Société(s) de production : Albina Productions (Paris), Rizzoli Film (Rome), T.I.T. Filmproduktion GmbH (Munich)
- Société(s) de distribution : Albina Productions (Paris)
- Format : Couleurs (Eastmancolor)- 35 mm - 1,66:1 - Son mono
- Genre : drame
- Durée : 109 minutes
- Interdiction aux moins de 16 ans à sa sortie en salles en France.
- Romy Schneider : Nadine Chevalier
- Fabio Testi (vf. José-Maria Flotats) : Servais Mont
- Jacques Dutronc : Jacques Chevalier
- Claude Dauphin : Mazelli
- Katia Tchenko : Myriam, la putain
- Klaus Kinski (vf. Michel Duchaussoy) : Karl-Heinz Zimmer
SYNOPSIS
Un reporter-photographe rencontre une petite actrice qui, pour subsister, tourne des films pornographiques. Rencontre trop importante pour n'être qu'une simple aventure. Pas assez encore pour faire naître entre eux un lien véritable. Nadine éprouve d'ailleurs un attachement profond pour son mari, Jacques, gentil clown triste qui vit dans un monde intérieur dont la fantaisie cache mal la détresse. Pour aider la jeune femme, Servais commandite une pièce dans laquelle il lui fait secrètement avoir le rôle principal. Pour obtenir l'argent, il se lie davantage par contrat avec Mazelli, maître-chanteur qui lui fait prendre régulièrement des clichés très spéciaux dont il tire grand profit... La pièce excentriquement mise en scène par Messala et interprétée de même par le comédien homosexuel Karl Zimmer, s'effondre. Nadine, qui a, entre temps, réalisé la raison de son engagement, s'offre à Servais qui la repousse. Jacques tente de réagir contre l'indifférence qui le mine en vain. Craignant que l'amour de Nadine ne cache la pitié, il se suicide. Cette mort semble séparer à jamais la jeune femme de Servais. Las, écoeuré, celui-ci refuse de se plier aux exigences photographiques dégradantes de Mazelli. Le maître-chanteur se venge en le faisant corriger sévèrement. C'est à un homme ensanglanté, brisé, que Nadine parvient enfin à avouer son amour.
ANALYSE ET BOX OFFICE
La genèse du film tient à la rencontre de plusieurs personnes et leur désir de travailler ensemble. ZULAWSKI diplômé de l'IDHEC a été critique avant de réaliser deux films remarqués en 1972. Il désire adapter le roman de Christopher FRANK "La nuit américaine" qui a obtenu le prix Renaudot en 1972 dont les droits cinématographiques sont détenus par la productrice Albina de BOISROUVRAY qui a un contrat avec Romy SCHNEIDER. Celle-ci est emballée de tourner avec le réalisateur qui adapte le film avec Christopher FRANK, en ajoutant sa "sauce" si personnelle.
Co production franco-italo-allemande oblige, le casting est européen. Le choix de Fabio TESTI peut s'avérer étonnant. Ce colosse italien s'est fait remarquer dans des westerns italiens et dans le rôle du "Tueur" avec Jean GABIN en 1972 et nous ne l'attendions pas dans un rôle de cette envergure. L'allemand Klaus KINSKI, généralement incontrôlable est de la partie. Coté français, Jacques DUTRONC et le vétéran Claude DAUPHIN sont de la partie. A ce propos les anecdotes concernant le choix de Jacques DUTRONC donnent une idée du tournage: l'acteur a été, selon lui, embauché car Romy SCHNEIDER tombe amoureuse de ses compagnons de tournage et ils passent à la "casserole", et à cet égard l'acteur doit accepter ce risque. Donc DUTRONC a accepté ( au grand dam de sa compagne Françoise Hardy) . Ce genre d'anecdote ternit l'image de l'actrice présenté comme une femme difficile, hystéro-dépressive durant les tournages.
Et pourtant, le "fêlé" de la bande est bien ZULAWSKI. Celui-ci adore instaurer un climat tendu sur ses tournages pour extirper le meilleur de ses interprètes. A cet égard, ses films peuvent être considérés comme des "performances" artistiques plutôt que comme des films académiques, et il faut bien souligner que la suite de sa filmographie exploitera cette tendance.
Mais sans doute encore un peu bridé par Christopher FRANK, la productrice ainsi que par l'ampleur de son premier film important, le réalisateur ne parvient qu'à diffuser encore partiellement ses tics cinématographiques. A la base le sujet est difficile, mais le réalisateur distille des images troubles et un climat des plus dérangeants. Tout est fait pour que le spectateur soit mal à l'aise. Des images de partouzes sont insérées, la nudité est crue, l'homosexualité, le travestissement, la violence, le sang, la perversion.
La grande performance de ZULAWSKI est d'avoir la chance d'avoir pu compter sur un casting qui se révèle exceptionnel.
Contre toute attente Fabio TESTI se révèle convaincant. Belle gueule, romantique capable d'user des poings, il trouve un de ses meilleurs rôles.
Jacques DUTRONC apporte sa réserve, sa timidité. Amoureux de sa femme, il n'est pas capable de l'honorer et souffre de la voir désirer d'autres hommes. Son suicide semble écrit. Pour lui aussi c'est une de ses bonnes prestations.
Faut-il présenter Klaus KINSKI ? L'acteur fou donne encore une fois toute sa palette d'émotions au réalisateur. Très professionnel, il ne triche pas et lui aussi offre une grande performance.
Claude DAUPHIN est carrément abject. Il joue une ordure, un vieux pervers à l'accent parigot qui organise des parties fines, réalise des snuff movies ou de vielles peaux bourgeoises s'offrent de jeunes filles droguées pour en abuser avec des ceintures godemichets, si ce n'est pire. Il règle son compte à Servais par le biais de sa bande de garde du corps bien barjots. C'est aussi un prêteur sur gages des plus véreux. Un rôle énorme et traumatisant.
Reste Romy qui livre une performance des plus phénoménales. Poussée à bout par le réalisateur, elle s'offre comme jamais. Tour à tour pathétique, magnifique, émouvante. Prise dans son dilemme entre réussir ou aimer elle offre une gamme de sentiments rarement vus. Elle joue avec son visage, cernes apparentes, avec son corps. Véritable locomotive pour DUTRONC qui ne peut qu'élever sa prestation face à elle, leur couple à l'écran est émouvant, sincère, malgré leur impossibilité à communiquer sexuellement. Bref, un rôle monstrueux qui bien sûr est l'argument retenu par l'ensemble des critiques, qui restent partagés sur la qualité du film, mais sont unanimes sur la prestation de l'actrice. Elle obtient le premier CESAR de la meilleure actrice en 1976. Elle est magique tout simplement.
Meilleur film de ZULAWSKI (ce n'est pas dur), reste à savoir comment le public va réagir à cette œuvre sulfureuse, naturellement interdite aux mineurs.
En concurrence avec "Tremblement de terre", bien que ce ne soit pas vraiment le même genre, le film prend la première place du box office parisien pour deux semaines. Le film obtient 350 000 spectateurs au bout de sa première exploitation ce qui est honorable. Le film devient un incontournable des salles de cinéma d'art et d'essai parisiennes et reste de nombreuses années à l'affiche. Le film marche très bien en Europe, en particulier en Allemagne où ce sont Romy et Klaus KINSKI qui sont logiquement mis en tête d'affiche.
Romy SCHNEIDER impressionne et devient incontestablement l'actrice la plus demandée du cinéma français, une star absolue. Si Andrzej ZULAWSKI désirait donner un coup de pied dans la fourmilière et instaurer un ton nouveau au cinéma français, son pari est gagné haut la main.
CATEGORIE
RANG
NOMBRE
SALLES
ENTREES FRANCE
1 544 986
ENTREES PARIS BANLIEUE
538 506
1ère semaine
1
92 079
16
2ème semaine
1
65 704
3ème semaine
2
54 845
4ème semaine
4
41 736
5ème semaine
5
31 559
6ème semaine
9
27 141
Nombre de semaines Paris
11
Moyenne salles Paris 1ère sem
5 755
Cote du succès
* * *
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