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Par Renaud SOYER le 20 Juin 2014 à 21:48
Source : CNC - chiffres arrêtés au 31 mai 2014
Années
TITRES
DATES
DISTRIBUTEURS
B.O. Paris
B.O. France
TOURNAGES
1934
The Hearts of Age (court métrage)
inédit
1938
Too Much Johnson (court métrage)
inédit
1939
The Green Goddess (court métrage)
inédit
1940
Citizen Kane
3.07.46
R.K.O. Radio Cinéma
607 181
871 261
29 juin / 23 oct. 40
1941
La splendeur des Amberson
15.11.46
R.K.O. Radio Cinéma
164 306
210 966
28 oct. 41 / 22 janv. 42
1942
It's All True (doc., inachevé)
15.12.93
Pan Européenne
17 592
28 164
1945
Le criminel
7.04.48
R.K.O. Radio Cinéma
344 364
931 868
Sept./ Nov. 1945
46/47
La dame de Shanghaï
24.12.47
Columbia
611 885
1 564 609
Oct. 46 / 7 fév. 47
1948
Macbeth
23.06.50
Films Fernand Rivers
149 425
288 950
1950
Le miracle de Sainte-Anne (cm)
inédit
1951
Othello
19.11.52
Films Marceau
256 174
1 047 035
1954
Dossier secret (Mr Arkadin)
2.06.56
Warner Bros.
178 416
517 788
Janv./ Aout 1954
1955
Around th World with Orson Welles (série TV)
inédit
Moby Dick Rehearsed (TV)
inédit
16 juin / 9 juil. 55
1956
Orson Welles and People (cm TV)
inédit
1957
La soif du mal
8.06.58
Universal
345 575
1 232 534
19 fév./ 2 avr. 57
Don Quichotte (inachevé)
Sept./ Oct. 1957
1958
The Fountain of Youth (cm TV)
inédit
Portrait of Gina (documentaire)
inédit
1961
The Art of Bullfighting (épisode TV)
inédit
1962
Le procès
21.12.62
385 531
998 779
26 mars / 5 juin 62
1964
Nella Terra di Don Chisciotte (série TV)
inédit
64/65
Falstaff
20.07.66
C.F.D.C
237 091
516 762
Sept. 64 / Avr. 65
1965
Treasure Island (court métrage)
inédit
1966
Une histoire immortelle (TV)
30.09.68
Sept./ Nov. 1966
1967
The Deep (inachevé)
Juin 67 / Avr. 69
1968
Vienna (court métrage)
inédit
1969
Le marchand de Venise (TV, inachevé)
1970
The Golden Honeymoon (court métrage)
inédit
The Other Side of the Wind (inachevé)
30 aout 70 / Janv. 76
1971
London (court métrage)
inédit
1973
Vérités et mensonges (documentaire)
12.03.75
Planfilm
119 719
182 587
1977
Filming "Othello" (documentaire)
5.03.80
Hors Champ
7 382
9 327
78/79
The Orson Welles Show (TV)
inédit
Sept. 78 / Fév. 79
1981
Filming "The Trial" (documentaire)
inédit
1982
The Dreamers (cm, doc., inachevé)
1984
The Spirit of Charles Lindbergh (cm)
inédit
1985
Magic Show (cm, TV)
inédit
T O T A L B O X - O F F I C E F R A N C E
8 400 630
Tableau de Didier NOISY
BIOGRAPHIE D'ORSON WELLES TIREE DU SITE CINEMACLASSIC
http://cinemaclassic.free.fr/welles/biographie_welles.htm
Naissance du Prodige
Né le 6 mai 1915 à Kenosha, dans le Wisconsin, Orson Welles a pour parents un inventeur farfelu et une pianiste réputée. Après la mort de sa mère en 1923, il accompagne son père dans des voyages lointains. Revenu dans son pays, il s'adonne dans le cadre scolaire à sa passion pour le théâtre. Fort de son succès dans Jules César et avec la bénédiction du docteur Bernstein, qui devient son tuteur à la mort de son père, le jeune Orson part à la conquête d'une des scènes les plus prestigieuses d'Europe, le Gate Théâtre de Dublin. Les deux directeurs, impressionnés par son talent et son aplomb lui confient le rôle du duc Karl Alexandre dans le Juif Suss de Feutchwanger. D'autres interprétations suivront, saluées par la critique. Après un séjour en Espagne et au Maroc consacré à la peinture, Welles aura la désagréable surprise de se voir refuser à Londres un permis de travail et de constater qu'en Amérique, Broadway n'a pas eu vent de ses succès d'Outre Atlantique.
C'est la Tood School qui lui confiera un enseignement théâtral. Il sera accueilli par la célèbre comédienne Katharine Cornell, qui s'apprête à faire une tournée triomphale dans plusieurs états. Welles rêve alors de mise en scène. Associé à John Houseman, il va donner au Fédéral Théâtre, subventionné par l'état toute son énergie et son audace. Harlem se souviendra longtemps de son superbe Macbeth joué uniquement par des acteurs noirs et dont l'action est transposée en Haïti. Quand le Fédéral Théâtre cède la place au Mercury Théâtre, une entreprise indépendante, Welles est en mesure de financer l'aventure par les cachets que lui procurent ses émissions de radio à la CBS. Avec sa voix grave et musicale, Welles a tout de suite conquis les ondes. Il en fera la singulière expérience en 1938. En ce soir d'Halloween, Welles a décidé d'adapter War of the Worlds (La Guerre des Mondes) de son homonymes HG. Wells en imaginant un bal retransmis en direct et interrompu par des flashs d'information. Au fil des commentaires "l'énorme objet lumineux" tombé dans le New Jersey deviendra l'évènement du siècle. L'invasion des Martiens. Le ton est si convaincant, le canular si bien monté que le public finit par céder à une gigantesque panique, donnant lieu à des scènes apocalyptiques, dont les journaux feront leur une le lendemain. De cette prestation qui a frôlé le désastre, Welles ressortira juridiquement indemne et définitivement célèbre.
Le Wonder Boy à Hollywood
Il n'est dès lors pas étonnant qu'Hollywood s'intéresse à celui qui allie l'innocence de l'enfant et la puissance du démiurge ; L'une des plus prestigieuses Major companies, la RKO, lui propose par l'intermédiaire de George J Shaefer, un contrat fabuleux qui lui accorde - ce qui ne s'est jamais vu - les pleins pouvoirs : Il y est réalisateur, producteur, auteur et acteur. Loin de songer à une carrière Orson Welles voit là une occasion inespérée de financer ses créations théâtrales. Son séjour à Los Angeles sera néanmoins profitable. Précédé par sa légende, le Wonder Boy, y mène grand train, rend visite à l'exquise Shirley Temple et s'émerveille devant les studios qui s'ouvrent à lui. En matière cinématographique, Welles n'a pas grande expérience. En juillet 1934, il a réalisé un court métrage muet de cinq minutes. Il interprétait le rôle principal auprès de sa première épouse, Virginia Nicholson, qui lui donnera une fille, Christopher. Après Too Much Johnson (1938), tiré de la pièce de William Gillette, Welles travaille avec John Housemansur une adaptation de Heart of Darkness de Joseph Conrad, dont il a donné une version radiophonique pour le Mercury Theatre of the Air. La production lancée en 1937, sera abandonnée en partie pour des raisons financières, en partie parce-que l'actrice pressentie pour le rôle féminin, Dita Parlo est incarcérée en France comme ressortissante Autrichienne.
Le rapport complexe entre les images et le son qu'introduisait dans Heart of Darkness l'utilisation de la "caméra subjective" est posé d'emblée dans Citizen Kane (Citoyen Kane, 1941). "Le secret de mon travail, c'est que tout est fondé sur la parole" dira Welles. Dans ce film chef d'œuvre, Welles y est omniprésent : acteur, il subit à travers le personnage de Kane toutes les métamorphoses de l'âge : réalisateur, il est reconnaissable à chacun de ses plans, auxquels il intègre toutes les possibilités de la syntaxe cinématographique. Ainsi le flashback, déjà utilisé avant lui, correspond-t-il à la structure même du film (La chute de Kane nous est révélée dès le début). Il n'y a pas de destin, pas de suspense quant au devenir du personnage, auquel Welles, qui est avant tout un prodigieux conteur refuse le statut de héros. En ce sens, André Bazin a analysé toute l'importance de la contre plongée, empruntée à Stagecoach (La chevauchée fantastique, 1939) seule influence que reconnait Welles "La persistance de la contre-plongée dans Citizen Kane fait que nous cessons vite d'en avoir une conscience claire, alors même que nous continuons à en subir l'emprise. Il est donc plus vraisemblable que le procédé corresponde à une intention esthétique précise : nous imposer une certaine vision du drame. Vision que l'on pourrait qualifier d'infernale, puisque le regard de bas en haut semble venir de la terre. Cependant que les plafonds, en interdisant toute échappée dans le décor, complètent la fatalité de cette malédiction. La volonté de puissance de Kane nous écrase, mais elle est elle-même écrasée par le décor. Par le truchement de la caméra, nous sommes en quelque sorte capables de percevoir l'échec de Kane du même regard qui nous fait subir sa puissance" . Cette simultanéité est très bien rendue par la profondeur de champ, qui permet à Welles de faire passer dans le même cadre ce qui demanderait plusieurs plans à d'autres cinéastes. "L'œil du spectateur choisit de cette manière ce qu'il désire voir dans un plan. Je n'aime pas lui imposer quoique ce soit". Pour ce premier film, Orson Welles a su s'entourer d'excellents collaborateurs, jouant admirablement de l'inexpérience des uns et de l'habileté des autres, comme il a su conjuguer sa propre ignorance avec ses désirs les plus ambitieux pour transcender les limites de la technique. Le concours du grand chef opérateur Gregg Toland, dont la carrière est surtout associée à celle de William Wyler, à été , de ce point de vue, déterminant. Le scénario a été écrit en collaboration avec Herman J Mankiewicz (frère du cinéaste), dont la critique New Yorkaise, Pauline Kael voudra faire le véritable et unique auteur de Citizen Kane, une thèse qui ne résiste pas à l'examen. L'auteur de la bande-son et de la musique n'est autre que Bernard Hermann, le célèbre compositeur de Psycho (Psychose, 1960) d'Alfred Hitchcock. Comme les acteurs, Joseph Cotten, Agnes Moorehead, Everett Sloane, le musicien est issu du Mercury Theatre et connait ici sa première prestation cinématographique.
Les choses se passeront moins bien avec le deuxième film que Welles entreprend, The Magnificent Ambersons (La Splendeur des Ambersons, 1942). Robert Wise raconte dans un entretien accordé à Rui Nogueira pour Ecran 72 qu'à l'issue du tournage, Welles s'est lancé dans un projet qui devait le mener au Brésil, laissant à ses collaborateurs le soin de terminer le film. Il leur donna 35 pages d'instructions par télégramme, qui seront malheureusement égarées. Jugeant la Splendeur des Ambersons trop longue après quelques "previews" décevantes, la production décide d'en raccourcir considérablement la durée en lui adjoignant des scènes de raccord.
Ces modifications, effectuées en l'absence de Welles devaient être désavouées par le cinéaste, qui verra là le prix à payer pour avoir eu avec Citizen Kane "la plus belle chance de l'histoire du cinéma" et pour n'en avoir pas fait un succès. Si The Magnificent Ambersons étonne par sa facture classique, le film n'en demeure pas moins surprenant. Joseph Mc Bride, dans son "Orson Welles", donne une des clefs du savoir-faire Wellesien : "Welles fait durer les plans un peu plus longtemps que la normale : trente secondes, une minute (ou davantage) sont des durées si étranges pour des plans que le spectateur s'attend inconsciemment à ce qu'ils durent encore un peu."
La disgrâce d'un génie coûteux
Ce très beau film se ramène lui aussi à une "tragédie de l'enfance" dont Orson Welles est, cas unique dans son œuvre, physiquement absent, mais présent par la voix Off du narrateur. Défection qui traduit un rapport d'intimité très grand avec cette histoire tirée d'un roman de Booth Tarkington, lequel s'était trouvé être un ami de ses parents. Welles a commencé à travailler sur Journey into Fear (Voyage au pays de la peur, 1943) alors qu'il tournait The Magnificent Ambersons. Il a rédigé le scénario avec joseph Cotten d'après un roman d'Eric Ambler et contribué à la réalisation, qui portera la seule signature de Norman Foster. Il s'agit d'un film d'espionnage dont l'action se déroule en Turquie peu avant la seconde guerre mondiale ; Welles incarne le rôle du colonel Haki, chef de la police secrète Turque, auquel il a donné de faux airs de Staline. Les relations difficiles que Welles entretient avec la RKO se soldent bientôt par une rupture. George J. Shaefer, le conseiller et ami du cinéaste, est remercié. Plusieurs directeurs lui succéderont avant qu'Howard Hughes ne prenne en main les destinées de la célèbre firme, qui décide dans l'immédiat d'interrompre le tournage de It's All True d'un génie ruineux.
La disgrâce dont est victime le réalisateur, n'atteint cependant pas l'acteur qui voit les propositions affluer. A court d'argent, Welles accepte le rôle d'Edward Rochester dans Jane Eyre (1943) et Robert Stevenson. Il confère à ce personnage romantique sa formidable présence, ce qui enchante le public. Quelques années plus tard, il sera inoubliable dans le film de Carol Reed, The Third man (Le Troisième Homme, 1949), un rôle pourtant assez court, qu'il a écrit et qu'il interprète - cas unique - sans aucun maquillage. Pour des raisons avant tout financières, Welles n'hésitera pas ensuite à promener sa silhouette de plus en plus imposante dans des productions de qualités inégales, ce qui nous vaudra une étonnante galerie de portraits où l'on ne sera pas surpris de trouver celui de Dieu dans Ten Days' Wonder (La Décade Prodigieuse, 1971) de Claude Chabrol. En attendant, l'Amérique vient d'entrer en guerre, et ce roi du déguisement qu'une nature asthmatique a écarté des champs de bataille triomphe tous les soirs sous l'habit du Magicien devant un parterre de soldats, en sciant en deux une partenaire prestigieuse Marlène Dietrich. La victime initialement désignée était la belle et vulnérable Rita Hayworth, dont Welles est follement amoureux et qu'il épousera en septembre 1943, ils auront une fille, Rebecca. Menacée des foudres de son patron, Harry Cohn, Rita devra laisser sa place à la dernière minute. Ces numéros d'illusionnisme donnés dans le cadre du Mercury Wonder Show seront repris dans un film revue, Follow the boys (Hollywood Parade, 1944). Welles déborde d'activité, la politique y tenant une place importante : il participe à la campagne électorale de Roosevelt et donne à travers l'Amérique une série de conférences sur les dangers du fascisme en Europe.
La Star aux cheveux coupés
Avec The Stranger (L'Etranger, 1946) le film qui marque la reprise de ses activités de réalisateur, Welles dira avoir voulu donner au producteur Sam Spiegel des gages de sa bonne volonté. Etre un "aussi bon réalisateur que n'importe qui d'autre", tel est l'objectif de celui qui est devenu la bête noire de Hollywood. Le Criminel, totalement renié par son auteur, est une œuvre mineure et quelque peu datée qui ne manque cependant pas d'intérêt. Welles y campe un personnage odieux comme il les aime, ancien nazi qui s'étant refait une identité dans une petite ville du Connecticut est finalement rattrapé par son passé ; Sa chute finale est époustouflante de virtuosité. Les efforts de Welles vont trouver leurs récompenses. Harry Cohn, rassuré sur son compte, est enfin disposé à lui confier sa vedette, Rita Hayworth, dont Welles est à cette époque pratiquement séparé. Le divorce sera prononcé en novembre 1947. Le seul film que le couple Welles-Hayworth tournera se fera donc sous le signe de la rupture. Le cinéaste annonce à grand renfort de publicité qu'il va révéler une Rita Hayworth inconnue. Devant les journalistes médusés, il fait couper les cheveux de la Star, dont la chevelure flamboyante était devenue un mythe. Cette version très personnelle de Sanson et Dalila ne laisse rien présager de bon. Harry Cohn ne tardera pas quant à lui de s'arracher les cheveux et il repoussera la sortie du film de deux ans, pour ne pas nuire à Rita.
The Lady from Shanghai (La Dame de Shanghai, 1948) est une intrigue policière plutôt compliquée dont Welles tire des effets très visuels.
Le deuxième film Shakespearien, Othello (1952) sera réalisé en 4 ans. Exilé d'Hollywood, Welles filme, grâce essentiellement à ses cachets d'acteurs, dans les studios distants de plusieurs milliers de kilomètres en Italie et au Maroc. Les Desdémone se succèdent et la dernière sera une actrice Canadienne, Suzanne Cloutier. Ici plus que jamais, Welles jongle avec les contingences et les raccords périlleux : "Chaque fois que vous voyez quelqu'un le dos tourné, une capuche sur la tête, soyez sûr que c'est une doublure, explique-t-il. Il m'a fallu tout faire en champ-contre champ parce que je n'arrivais jamais à réunir Lago, Desdémone et Roderigo etc...devant la caméra" D'où ces improvisations fabuleuses, ce style morcelé fait de plans très courts. Le plan séquence qu'il affectionne, étant trop coûteux et requérant une solide équipe technique. Mais le prodige est que la forme renforce au plus haut point le drame : "Ce rythme spasmodique souligne le délire croissant d'Othello, la montée du Mal, le dérèglement des esprits" Cette réussite, Welles la doit en partie au fait qu'il assure le montage du film, souveraineté qu'il revendique totalement et dont Filming Othello (1979), réalisé pour la télévision Ouest-Allemande, rendra magnifiquement compte. Le cinéaste assis devant sa table de montage, où il dit pouvoir passer un temps infini, déclarera "Ici, je suis chez moi !" ; Welles s'est souvent expliqué sur sa conception du montage, où la vision reste subordonnée à l'ouie "C'est une question d'oreille (...) En ce qui me concerne, le ruban de Celluloid s'exécute comme une partition musicale, et cette exécution est déterminée par le montage, de même qu'un chef d'orchestre interprétera un morceau de musique tout en rubato, un autre le jouera d'une façon très sèche et académique, un troisième très romantique, etc...Les images, elles-mêmes ne sont pas suffisantes, elles sont toujours très importantes, mais elles ne sont qu'images. L'essentiel est la durée de chaque image, ce qui suit chaque image, c'est toute l'éloquence du cinéma que l'on fabrique dans les salles de montages". Othello s'ouvre sur un cortège funèbre. Le Maure de Venise a déjà mis fin à ses jours. Une fois de plus, Welles veut démontrer les mécanismes qui mènent l'individu au pouvoir, puis à sa perte. Il a retrouvé pour la circonstance son vieux complice du Gate Theatre de Dublin, MacLiammoir. Ce dernier incarne un Lago inhabituel.
Héritage cinématographique... Le génie nous quitte
Mr Arkadin/Confidential Report (Dossier Secret, 1955) que l'usage a fait couramment nommer Monsieur Arkadin, est l'histoire d'un puissant homme d'affaire, Mr Arkadin (Orson Welles), doté d'un secret, l'origine de son immense fortune et d'une fille, Raina, incarnée par Paola Mori, qui devint la troisième et dernière épouse de Welles. Il aura ainsi une troisième fille, Béatrice. Arkadin n'est pas sorti tout casqué du cerveau de Welles ; Le cinéaste s'est inspiré du légendaire Bazil Zaharoff, l'un des plus grands marchands de canons que la terre ait jamais porté. Welles va donner à son personnage, mieux que de somptueux décors ou de fabuleuses possessions, un pouvoir moderne entre tous ; Arkadin appartient à la mythologie : il s'agit d'un ogre grimé en capitaine Némo, qui règne sur un monde corrompu et grotesque et qui, se faufilant dans les dédales de ses origines, finit comme Icare par une chute vertigineuse. Dans Touch of Evil (La Soif du Mal, 1958), Welles change apparemment de camp en s'intéressant au policier Hank Quintan. Mais ce dernier, dont les méthodes perverses consistent à fabriquer en toute impunité des preuves permettant d'inculper des suspects, figure sans conteste, parmi les grands "salauds" de l'univers Wellesien. Touch of Evil marque le retour de Welles à Hollywood, où l'Universal a cédé au désir de Charlton Heston d'en voir la réalisation confié à l'auteur de The Lady from Shanghai , pressenti à l'origine comme acteur. Ce Thriller fascinant, qui repose sur un thème cher au cinéaste, l'amitié masculine trahie, sera malheureusement mutilé. L'éblouissement technique d'Orson Welles (contre-plongées, éclairages contrastés, profondeur et distorsion de l'espace, jeux de miroirs) mise au service d'une quête obscure de la vérité où la justice n'est souvent qu'une parodie d'elle-même, appelant l'univers bureaucratique de Kafka, comme le K qui ornait le portail de Citizen Kane pouvait annoncer l'initiale patronymique d'un héros vaincu d'avance.
Dans The Immortal Story (Une histoire immortelle, 1968), son premier film en couleur, tiré d'une nouvelle d'Isak Dinesen, alias Karen Blixen, il nous conte en moins d'une heure l'ultime caprice d'un marchand américain immensément riche ; Clay, vivant à la fin du siècle dernier dans l'ile portugaise de Macao. Un soir, cet homme solitaire et âgé se souvient d'une histoire qu'il a entendue autrefois, celle d'un marin auquel un vieillard demanda contre de l'or de passer la nuit avec sa jeune épouse, dont il voulait un héritier. Une histoire que les marins se racontent et qui décide Clay à donner corps à la légende ; Il mourra de voir son rêve accompli. F for Fake (Vérité et mensonges, 1975) constitue un prodigieux tour de magie cinématographique autour de l'imposture en art. Welles est parti d'images, filmées par François Reichenbach, représentant le célèbre faussaire Elmyr de Hory, auquel Clifford Irving consacra un livre.
Ce journaliste n'a-t-il pas lui-même commis un faux en produisant une prétendue autobiographie d'Howard Hughes, ce milliardaire invisible et mythique qui a hanté l'œuvre du cinéaste ? Affublé de la cape et du chapeau des prestidigitateurs, Welles en vient à parler de lui-même, de ses mythifications célèbres, images à l'appui, avant de se jouer une nouvelle fois du spectateur à travers une superbe jeune femme, Ojar Kodar, qui aurait servi de modèle à Pablo Picasso ; Mais le peintre n'a-t-il pas autorisé toutes les supercheries, lui qui a dit "la vérité est un mensonge" ? "Un mensonge qui fait comprendre la réalité" ajoute Welles, qui remet ainsi en question la conception capitaliste de l'art et rejoint "la mystique de l'art gothique triomphant".
Le 10 Octobre 1985, Orson Welles succombe à une crise cardiaque, laissant derrière lui une œuvre fascinante, inoubliable et unique... Semblable à un immense puzzle auquel manquent peut-être quelques pièces de choix, tels ce Roi Lear en projet ou ce Don Quichotte inachevé, dont on attendait beaucoup...
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