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Par Renaud SOYER le 9 Mars 2014 à 21:50
EN CAS DE MALHEUR
17 SEPTEMBRE 1958
- Réalisation : Claude Autant-Lara
- Scénario : Pierre Bost, d'après le roman éponyme de Georges Simenon paru en 1956
- Adaptation et dialogues : Jean Aurenche, Claude Autant-Lara
- Photographie : Jacques Natteau
- Musique : René Cloërec
- Production : Raoul Lévy et Ray Ventura
- Sociétés de production : Iena Productions et Union Cinématographique Lyonnaise (UCIL)
- Société de distribution : (France) Cinédis, Italie CEI-INcom
- Tournage du 4 novembre 1957 au 4 février 1958
- Format : Noir et blanc — Pellicule Pyral 35 mm — 1,65:1 — son Mono
- Durée : 122 minutes
- Brigitte Bardot : Yvette Maudet
- Jean Gabin : Maître André Gobillot
- Edwige Feuillère : Viviane Gobillot
- Franco Interlenghi : Mazetti, amant d'Yvette
- Nicole Berger : Jeanine, femme de compagnie d'Yvette
- Madeleine Barbulée : Bordenave, secrétaire d'André Gobillot
- Annick Allières : Noémie, complice d'Yvette
- Jacques Clancy : Duret
- Claude Magnier : Gaston
SYNOPSIS
Yvette Maudet, avec une jeune fille de son âge, essaie de voler pour vivre et est surprise par une cliente dans une boutique où elle menace le commerçant avec un faux revolver ; elle assomme la cliente et s'enfuit. Son amie se fait coffrer par la police et Yvette se précipite chez un grand avocat parisien, Maître Gobillot, sachant qu'il accepte de plaider gratuitement les causes des jeunes femmes qu'il désire. Madame Gobillot est au courant des écarts de son mari et se contente d'essayer de ne pas perdre la face. Yvette est arrêtée ; Gobillot la défend, aidé par un coup de téléphone d'une vieille inconnue qui lui a signalé que le commerçant est un satyre. Gobillot retrouve Yvette dans un hôtel ou il l'a logée. C'est Madame Gobillot qui conduit son mari à cet hôtel mais elle essaie, par des moyens détournés, de le ramener à elle. Cependant, le « fiancé » d'Yvette la rejoint et, avec une candeur idéaliste, la persuade qu'elle doit avouer son délit dont elle n'a pas à se repentir puisqu'elle avait faim. Dès qu'il a le dos tourné, Yvette revient à Gobillot qui la loge dans sa garçonnière et bientôt, pour éviter que son fiancé la retrouve, lui achète un appartement en secret où une servante est dans la confidence de leurs amours. A l'occasion d'un voyage projeté aux sports d'hiver, Yvette s'échappe un instant en banlieue jusqu'à la mansarde de son fiancé. Celui-ci croit l'avoir reprise totalement mais, une heure après, comprenant qu'elle s'en va, il la tue sauvagement.
ANALYSE ET BOX OFFICE
A une époque où le cinéma français savait réunir les plus grands talents pour le bonheur des spectateurs français, voici un film qui se pose là dans le genre. Se basant sur un roman de l'inévitable Georges SIMENON, Raoul LEVY réunit une équipe de rêve. Claude AUTANT-LARA aux manettes qui, après "La traversée de Paris" va retrouver Jean GABIN en pleine gloire et l'associer à la superstar féminine Brigitte BARDOT. Edwige FEUILLERE joue la bourgeoise classe de GABIN. Jean AURANCHE et Pierre BOST sont à l'adaptation du roman, nous retrouvons donc pratiquement toute l'équipe de "La traversée de Paris" c'est du très lourd sur le papier. Reste à savoir comment va se dérouler le tournage. D'après les anecdotes, il n y a pas eu de problèmes d'égo entre les deux acteurs, GABIN se montrant au final flatté de pouvoir se frotter à une telle star de 30 ans sa cadette. A priori intimidée de se retrouver avec une légende du cinéma français, GABIN c'est autre chose que Richard MARQUAND ou Louis JOURDAN, Brigitte BARDOT va bafouiller son texte dans les premières scènes, mais GABIN fera de même pour la mettre à l'aise, sacré Jean ! Des belles actrices, GABIN en a rencontré quelques unes et a même vécu avec la plus belle, alors il est très à l'aise et compose son personnage avec sa perfection habituelle. Bien loin de ses rôles de prolos, il incarne de nouveau un notable, un des avocats les plus réputés du barreau dont la vie privée est bouleversée par l'irruption d'une jeune gouape.
Cette jeune gouape, Yvette, c'est Brigitte BARDOT bien sûr. Au comble de blonde beauté elle va attirer Gobillot dans sa toile. Et pourtant, la pauvre, n'est pas très futée. Avec sa meilleure amie elle réalise un casse minable où sa copine se fait embarquer. Sans argent, elle se rend dans l'appartement ultra bourgeois de Gobillot et tente d'obtenir son aide. Mais c'est une jeune prolo qui vit dans une chambre de bonne minable dans les quartiers ouvriers. Elle n'a que son beau cul à vendre et elle n'hésite pas à faire étalage de la marchandise devant le chaland. De Gobillot on pourrait attendre qu'il soit offusqué, et sa première réaction, morne et calme laisse croire qu'il en a vu d'autre et que cette vieille baderne ne se laissera pas manœuvrer aussi facilement. Mais que nenni, la belle a fracassé l'armure du vieil avocat et pas que l'armure. Le démon de midi semble s'être emparé de Gobillot qui commet l'irréparable. Il humilie le couple de commerçants au tribunal qui repart la queue entre les jambes. Gobillot le sait il a trompé la justice pour les beaux yeux d' Yvette. Une qui n'est pas dupe, c'est sa bourgeoise. Viviane qui pète dans la soie grâce à son mari, semble s'amuser de la situation. Elle asticote son mari sur le sujet. Les deux le prennent à la blague, Gobillot rassurant sa femme. Elle n'est pas inquiète en surface mais elle n'est pas née de la dernière pluie, elle est bien conservée mais c'est une vieille peau face à l'éclatante beauté d'Yvette. Fatalement Gobillot succombe à la chair tendre d' Yvette et celle-ci devient sa maîtresse. Fini la chambre de prolo elle logera bientôt dans un bel appartement aux frais de la princesse. Mais le grain de sable vient du fait qu' Yvette a un Jules. Mazetti est un manœuvre à l'usine qui est aussi en deuxième année de médecine. Mazetti est ouvrier prolo qui rêve d'accéder au grade de médecin alors qu'il en est si loin. Mais cette courte carrière d'étudiant est suffisant pour qu'Yvette s'entiche de lui, et puis il a une belle gueule. Mazetti n'approuve pas la combine d'Yvette mais se contente de faire cocu le vieux Gobillot. Celui-ci est un peu jaloux, mais sa puissance financière devra faire plier Yvette, et il lui achète appartement, fourrures, petit chien, elle devient la bourgeoise cachée de Gobillot et en fait même profiter sa meilleure amie. Viviane, qui a espéré à un coup d'une semaine, un démon de midi temporaire, doit se rendre à l'évidence, elle est non seulement cocue, mais elle redoute le pire: un divorce honteux. Elle n'est plus jeune et l'inéluctable la guette. Elle attend la fin. Edwige FEUILLERE est à ce titre remarquable en bourgeoise cocue, mais superbe de dignité. Yvette ne sait pas à quel saint se vouer. Le confort du père Gobillot où la passion sexuelle avec Mazetti. Les deux coqs se rencontrent. Pour Mazetti, c'est lui le gagnant, car implicitement il invoque qu'il donne du plaisir à Yvette et que celle-ci n'est avec Gobillot pour le pigeonner. Pour Gobillot sa puissance financière et son carnet d'adresse ruineront la carrière du jeune coq. Alors que Gobillot met les bouchées doubles (financièrement parlant) pour retenir définitivement Yvette, celle-ci ne peut s'empêcher de retrouver une dernière fois son amant dans un hôtel borgne. La police qui est au service de Gobillot l'avertit: elle a été sauvagement assassinée par son amant. Gobillot retrouve le corps ensanglanté de sa belle avant d'être trimbalée par les brancardiers... Brisé et désespéré il s'enfonce dans la nuit et retourne chez lui.
Claude Autant-Lara signe un nouveau chef d'œuvre après "La traversée de Paris". Il rend hommage à Georges SIMENON dans la description des différents niveaux sociétaux que ce soit la bourgeoisie ou le prolétariat. Au final le film est très moral ces deux strates sont rarement compatibles entre elles. C'est une histoire banale dans le fond, où un vieux bourgeois succombe à la chair fraîche et décide de se séparer de sa femme, celle qui a vieilli. A l'instar de "La traversée de Paris" le réalisateur scrute aussi les petites gens, les petits commerçants avec tous leurs défauts. Evidemment il fallait des acteurs hors normes pour conter cette histoire banale, et le couple GABIN / BARDOT fonctionne à merveille. Décidément GABIN est un spécialistes des adaptations de SIMENON à croire que les romans de l'écrivain ont été taillé pour lui. A la fois rassurant et diablement faible face à la chair il incarne parfaitement ce bourgeois tiraillé par le désir et prêt à toutes les bassesses pour atteindre son objectif. Brigitte BARDOT n'a jamais été aussi attirante, désirable, innocente et pourtant si perverse, jouant parfaitement de son physique hors du commun, assumant la tentation qu'elle suscite chez les hommes, finalement une arme redoutable quant on ne possède pas de lettres, ni de compétence particulière, une louve dans un monde de loups. BARDOT prouve qu'elle a la carrure pour assumer les rôles ambigus et troubles tout en assumant son statut de sex symbol mondial. Cette rencontre historique ne doit pas faire oublier la grande prestation d' Edwige FEUILLERE parfaite en femme bafouée, mais qui doit en surface ravaler sa fierté, sa tristesse pour garder la tête haute et sauver les apparences.
Le film sort à Paris en septembre à Paris alors que "Les Misérables", "Maigret tend un piège","Le désordre et la nuit" sont encore à l'affiche pour Jean Gabin. Pour Brigitte Bardot c'est son second film de l'année après "Les bijoutiers du clair de lune".Le film sort à Paris en septembre 1957 aux cinémas "Le Colisée" aux Champs-Elysées et au Marivaux sur les Grands Boulevard. Deux belles salles qui n'ont aucun mal à faire le plein. La première semaine d'exclusivité le film attire 25 000 spectateurs au Marivaux et 18 000 au Colisée soit 43 000 spectateurs en deux salles. le succès ne se dément pas la semaine suivante avec 40 052 spectateurs. En 9 semaines d'exclusivité le film attire 280 000 spectateurs dans les deux salles, un beau triomphe. En fin de carrière sur Paris et sa périphérie le film passe la barre du million de spectateurs. En France les résultats sont solides. Le film monte jusqu'à la troisième place du classement hebdomadaire français devancé par..."Les misérables" avec le même Gabin qui connait un colossal triomphe. Un peu en retrait pour les fêtes de fin d'année, le film parvient à prendre la première place du box office hebdomadaire début 1959 avant de sortir du top. Au total le film attire plus de 3 millions de spectateurs en France, un très beau et solide score pour un film interdit aux mineurs. Le film marche très bien à l'étranger l'aura de Brigitte Bardot étant toujours aussi efficace. Coproduction franco-italienne le film n'attire pas moins de 3.5 millions de spectateurs en Italie,un score magnifique. C'est une année magnifique voire magique pour Gabin qui collectionne les triomphes, et dire que quelques semaines plus tard vont sortir "Les grandes familles". Pour Brigitte Bardot c'est la confirmation qu'elle est une actrice capable de s'imposer au box office en dehors des comédies comme "La Parisienne". Elle joue très bien dans un film d'une grande qualité, ce qui allié à sa beauté en font des arguments en béton pour un nouveau triomphe dans le Monde.
CATEGORIE RANG ENTREES SALLES ENTREES FRANCE 3 152 082 1ère semaine FRANCE 24 46 636 6 2ème semaine FRANCE 7 124 946 13 3ème semaine FRANCE 5 170 871 21 4ème semaine FRANCE 4 172 740 28 5ème semaine FRANCE 3 160 926 32 ENTREES PARIS BANLIEUE 1 000 000 1ère semaine 3 43 440 2 2ème semaine 4 40 052 2 3ème semaine 4 36 679 2 Cote du succès * * * * Chiffres France Fabrice Ferment
BANDE ANNONCE " EN CAS DE MALHEUR"
LA FAMEUSE SCÈNE CENSURÉE
AFFICHE FINLANDAISE
AFFICHE ITALIENNE
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